31 mars à Nantes : journée de lutte historique, la ville hors de contrôle

Kill capitalism

Plus d'un million de personnes ont défilé dans les rues de France le 31 mars, contre la « loi travail », et bien plus encore. A Paris, Rouen, Grenoble ou Rennes, les défilés ont débordé et viré à l'émeute. A Nantes, c'est une onde de révolte qui a investi la ville du matin jusqu'à l'aube du lendemain. Revenir sur la journée du 31 mars de façon exhaustive est donc impossible. Ainsi, nous tenterons de résumer ce qui s'est joué durant ces longues heures en trois temps, trois réussites.

Premier succès, l'ampleur de la mobilisation. La quasi-totalité des lycées nantais sont désormais bloqués à chaque temps fort du mouvement. Du centre ville à la périphérie, c'est toute une génération qui prend goût à l'école buissonnière et à la révolte. A l'université, la fac est bloquée sans difficulté pour la deuxième fois consécutive. Après avoir chamaillé l'école privée de management Audencia, un cortège d'étudiants, de lycéens et d'occupants de la ZAD, escortés par des tracteurs et une grosse tête de carnaval, part du campus vers 9h30. Avant même de rejoindre la grande manifestation dans le centre ville, on s'échauffe en rivalisant d'imagination au mégaphone. En chemin, la permanence de l'infâme De Rugy, député écologiste favorable à la 'loi travail' et à l'état d'urgence est copieusement repeinte sous les vivats. Vers 11h, au croisement des tramways, c'est une véritable marée humaine qui s'apprête à démarrer. Un flot de nantais-e-s de tous ages s'amoncelle en amont de la rue de Strasbourg. Sommes nous 30 000, 40 0000 ou plus ? Passé un certain seuil, une telle démonstration de force ne peut que s'illustrer en acte. La mairie est donc encore une fois peinturlurée, puis défoncée par les plus fougueux des manifestants. L'avant du cortège, toujours aussi désordonné, déborde d'énergie. Des taggs fleurissent, des affiches sont placardées, des vitres tombent. Jusqu'à la place Graslin où, encore une fois, sans réel motif, la police noie le cortège sous une pluie de lacrymogène. L'ambiance reste sereine mais déterminée. Arrivée à Hôtel Dieu : les syndicats ont prévu un point de fixation et des discours sur l'esplanade, mais le parcours paraît ridiculement court vue l'ampleur de la manifestation. On ne s'arrête pas, une tête de cortège de lycéens endiablés a déjà pris l'initiative en direction de la gare. Au loin, déjà, une épaisse brume blanche se répand. Il est près de midi. Un hélicoptère survole la ville, des canons à eaux et des véhicules blindés sont positionnés aux points stratégiques.

 

Deuxième victoire : tenir la rue. L'enjeu de cette journée a suffisamment été rappelé. Le 31 mars, il ne s'agit pas de faire un énième défilé sage et ordonné, mais bien de rester dans la rue, d'occuper une place. La difficulté étant de faire durer le défilé jusqu'au soir. Ce sont pourtant des milliers de personnes incroyablement diverses qui relèveront le défi fou de tenir la police en respect. Après avoir été repoussé de la gare, le cortège emprunte la rue de Strasbourg ou la peinture coule à flot : une agence de tourisme, des banques, les locaux de Vinci, la mairie, la préfecture, le Parti Socialiste ... Retour à Commerce, moment de flottement. La décision est prise de commencer à occuper la Place du Bouffay en attendant la soirée. Mais une ligne de policiers accoure déjà, menaçante. Une barricade de plus de deux mètres de haut est montée en quelques minutes par plusieurs dizaines de manifestants. Les premiers pavés sont descellés sur la voie de tram. De midi à minuit, une puis deux puis des dizaines de barricades seront érigées partout en ville, sur les grandes artères comme dans les ruelles. Chacune sera défendue de manière plus ou moins déterminée en fonction du rapport des forces en présence. La presse locale osera parler d'une « poignée de casseurs isolés ». Ces vieux mensonges ne font plus illusion. Plus personne ne peut ignorer à Nantes qu'il y avait dans la ville plusieurs milliers de lycéen-ne-s, d'émeutier-e-s, de syndicalistes, de taggeur et taggeuses, de travailleurs ou de ZADistes à crier à plein poumons que « tout le monde déteste la police », à ramasser des pavés, à mettre des barrières en travers des avenues, à jeter des projectiles.

 

14H, le bruit court qu'il faut se rendre au tribunal, car un manifestant arrêté la semaine précédente passe en procès. Pendant qu'une manifestation sauvage se remet en mouvement, une confrontation s'installe autour de l'Ile Feydeau. Nouveaux échanges en bord de Loire, feux et pavés contre lacrymogènes. Le cortège hésite, puis remonte finalement dans les petites rues bourgeoises du quartier Guist'hau. Une agence de notaire, une banque puis l'hôtel de luxe Radisson Blu sont attaqués. Les voitures de riches garées devant l'établissement 4 étoiles sont aspergées de peinture. Art de rue. Retour dans l'hyper centre, où des centaines de personnes – dont quelques syndicalistes – tiennent encore sur le point chaud en face du CHU. Les lignes de casqués envoient des dizaines de grenades lacrymogènes sur les pelouses et même dans l'enceinte de l'hôpital, et sont copieusement canardées en retour. A intervalles réguliers, des grenades à effet de souffle tombent dans la foule, et manquent de blesser gravement des manifestants. Une balle en caoutchouc fauche un jeune, touché à l'oreille. L'étau se resserre. Il n'est encore que 15H. Plus loin, d'autres lycéens ont réussi à démarrer un engin de chantier. Entassés dessus, ils s'amusent à rouler sur la voie de tram. Une voiture est incendiée chaussée de la Madeleine. Petit à petit, la foule va se déplacer, poussée par un rouleur compresseur de centaines de policiers et de canons à eau.

Reflux vers la Place du Bouffay pour l'occuper, encore une fois. La police procède à une guerre chimique : la place est littéralement asphyxiée, rendue invivable. Retour rue de Strasbourg, barricades et feu. Reflux vers le Château des Ducs. Il y a encore des centaines de personnes. Gaz sur le miroir d'eau et dans les douves du château. Soleil, reflets, ambiance fantastique. La tour LU dans le brouillard. Nouvelles barricades. Un supermarché est envahi et pillé un peu plus haut. Pendant ce temps, un autre groupe déterminé affronte la police sur les quais de Loire. A 19H, ça brûle encore dans le quartier des Olivettes alors que le quai de la Fosse est sous les gaz. Quelques centaines d'irréductible se retrouvent sur l'Ile de Nantes. Nouvelles barricades face à un dispositif policier colossal. L'hélicoptère gronde encore à très basse altitude. Petit à petit, l'ambiance s'apaise. Barricades, feux, engins de chantiers, palissades et taggs constellent encore la ville. Il est 20H. Sera-t-il possible de tenir une place ?

 

Troisième succès : l'occupation de place. L'appel avait abondamment circulé : «ce soir, on ne rentre pas chez nous et on occupe une place ». Malgré la fatigue, les affrontements, les arrestations, quelques dizaines de personnes se retrouvent sur la Place du Bouffay au soleil couchant. Une buvette et une cantine ne tarderont pas à arriver. Puis un barnum, et même une sono qui rythmera la nuit. La gendarmerie vient mettre un coup de pression vers 21H, puis se replie. La rue est à nous ! Des centaines de personnes se retrouveront autour d'un brasier, d'un plat chaud ou d'une chanson jusqu'au milieu de la nuit. Autour de 3H, nouveaux affrontements avec la BAC et la police de Nantes. Les derniers occupants de la place lèveront le camp à l'aube du 1er avril. Au sol, un grand tagg « 2ème avertissement ».

 

Cette journée du 31 mars a été hors norme. Pendant près de 20 heures, Nantes était incontrôlable : manifestation monstre, innombrables actions, barricades, occupation ... Une génération entière de lycéens, d'étudiants, de chômeurs et de précaires a pris conscience de sa force. Les médias, empêtrés dans leurs mensonges et le gouvernement, au fond du gouffre, n'ont toujours pas compris qu'un épisode historique était probablement en train de naitre. Il s'agit maintenant d'inventer les suites à donner. Tout est possible !

 

Nantes Révoltée

 

facebook.com/Nantes.Revoltee/posts/992592500776923

 

https://nantes.indymedia.org/articles/33992

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