linksunten Archiv |
|
OTAN en emportent les black blocs
Info | Ticker
« L’insurrection désoriente les partis politiques. Leur
doctrine, en effet, a toujours affirmé l’inefficacité de toute épreuve
de force et leur existence même est une constante condamnation de toute
insurrection »
1. Ce qui s’est passé à Strasbourg était relativement
prévisible, et relativement inévitable. Pourtant, comme après chaque
contre-sommet qui donne lieu à de belles émeutes, de gauche à droite on
hurle au scandale, on accuse les uns et les autres d’avoir laissé faire
les émeutier-e-s, de les avoir incité-e-s, ou, encore plus fort,
d’avoir machiavéliquement organisé tout ça, dans l’ombre. Au final, c’est toujours le même cinéma, avec dans le fond une idée commune à l’UMP et au Parti Socialiste, d’Attac jusqu’au Front National : il est impossible que des gens soient révoltés au point de se lancer d’eux-mêmes dans des pratiques émeutières. Il faut forcément, pour cela, que ces gens soient d’une manière ou d’une autre manipulés.
2. Comme cela a pu être fait en juillet 2001 suite aux grandes émeutes de Gênes lors du sommet du G8, nous le répétons : nous n’avons besoin de personne pour nous révolter et pour lutter. Ce samedi 4 avril 2009, à Strasbourg, si nous avons cassé des vitrines ou mis le feu à des bâtiments qui sont au service de l’Etat et du capitalisme (douane, banques, station essence, office de tourisme, hôtel Ibis, etc.), si nous avons saccagé des caméras de vidéosurveillance et des panneaux publicitaires, si nous nous sommes attaqué-e-s à la police, ce n’est pas parce qu’une organisation occulte nous y a poussé, mais parce que nous l’avons choisi délibérément.
3. Si nous avons eu autant de facilité à agir, c’est que
nous étions plusieurs centaines à le faire, peut-être même plusieurs
milliers (les fameux black blocs
4. Si nous n’avons pas pu agir ailleurs que dans les
quartiers pauvres du port autonome de Strasbourg, c’est parce que nous
n’avons eu ni la force ni la finesse de parvenir jusqu’au centre-ville.
La police et l’armée ont protégé la fameuse « zone rouge », autrement
dit le centre-ville et les quartiers bourgeois de Strasbourg. Mais
personne n’est dupe : nous aurions été bien plus redoutables dans ces
quartiers riches...
5. Le discours médiatico-politicien cherche à donner une image de « casseurs nihilistes et sanguinaires » aux black blocs. Pourtant, les pratiques des black blocs ne se limitent pas à des actes de destruction (tout comme nos existences ne se limitent pas aux black blocs, qui ne sont que des modes ponctuels et contextuels de manifestation). Les black blocs pratiquent l’entraide et la complicité avec tou-te-s les manifestant-e-s, dans l’affrontement, l’auto-défense et la fuite face à l’ennemi policier. Dans l’émeute, se créé une solidarité spontanée et anonyme, authentique au sens où chaque geste n’attend rien en retour.
6. Ce qui se discutait lors du sommet de l’OTAN à Strasbourg nous concerne tou-te-s. Les guerres post-colonialistes menées par les puissances occidentales nous font gerber et la guerre aux « ennemis intérieurs » nous révulse également. Contrôle des populations, gestion des flux migratoires, renforcement des polices, perfectionnement du renseignement et du fichage, c’est contre tout cela que nous nous sommes soulevé-e-s.
7. L’enjeu principal, pour le pouvoir, est de continuer à imposer à tou-te-s la démocratie capitaliste comme unique organisation sociale possible. Et malgré les vies de merde qui sont les nôtres, malgré l’aspect chancelant du capitalisme ces derniers temps, force est de constater que les perspectives révolutionnaires semblent tellement lointaines qu’on ne les imagine qu’avec difficulté. Pourtant, la résignation profondément contre-révolutionnaire de notre époque n’est pas une fatalité. C’est un bel enjeu que celui de réussir à s’émanciper du capitalisme, par la lutte et l’entraide. Et de fait, cette émancipation ne peut co-exister avec le pouvoir capitaliste et étatique.
8. Sachant qu’un autre monde ne peut être possible sans l’anéantissement de la démocratie capitaliste mondialisée, sachant que « toutes les classes dominantes ont toujours défendu leurs privilèges jusqu’au bout avec l’énergie la plus acharnée » (Rosa Luxembourg, Que veut Spartacus ?, 1918), semer le chaos et la destruction (pour reprendre les termes spectaculaires des médias) au sein de ce monde d’oppression et de contrôle social ne nous pose pas de problème. Cela nous semble même insuffisant. Toute possibilité de transformation révolutionnaire de ce monde ne peut avoir lieu sans rapport de force tangible. C’est aux dominé-e-s de poser de nouvelles bases de vie sociale, sans attendre l’assentiment des dominant-e-s.
9. Ces dernières années ont été traversées par des soulèvements qui inquiètent le pouvoir : émeutes des quartiers pauvres en novembre 2005, mouvement anti-CPE au printemps 2006, émeutes anti-Sarko lors des élections présidentielles de 2007, mouvements étudiants et lycéens de 2007-2008, et dernièrement la quasi insurrection grecque. Pour ces mouvements comme pour les black blocs qui ont
agi à Strasbourg, les médias focalisent sur la jeunesse de ces
mouvements, comme pour enfermer la révolte dans un phénomène
générationnel (avec toutes les remarques condescendantes qui vont
avec : « vous verrez, dans dix ans, vous aurez oublié tout ça et vous serez résigné-e-s comme tout le monde »).
10. Si nous sommes parti-e-s du constat que pour renverser
le pouvoir, il ne sert pas à grand chose de se contenter de manifester
calmement, aussi nombreux soit-on, même à plusieurs millions de
personnes, nous sommes également conscient-e-s que s’attaquer à la
police et vandaliser des propriétés de l’Etat et/ou du capital à
quelques milliers ne suffit pas non plus. Mettons en place et répandons des pratiques communes de résistance, des solidarités concrètes, des moyens de lutte hors la loi et des perspectives révolutionnaires... Tout un programme pour en finir avec le vieux monde et ses technologies d’un futur déjà bien moisi !
Quelque part en France, le 8 avril 2009, quelques « casseurs » d’un groupe affinitaire actif parmi les black blocs du 4 avril 2009 à Strasbourg
|