Metz. Face aux restrictions et à la médiatisation auxquelles ils sont exposés en Allemagne, les néonazis ont trouvé une parade depuis des années pour faire la fête : traverser les frontières. En France, l’Alsace et la Lorraine sont des destinations prisées.
Le samedi de Pâques, quelque 200 néonazis venus principalement d’Allemagne ont fêté clandestinement le 125e anniversaire de la naissance d’Hitler dans la salle communale d’Oltingue (Haut-Rhin), près des frontières allemande et suisse. Au grand dam de la mairie, trompée sur l’objet de la soirée. « C’est déjà arrivé en Alsace », reconnaît du bout des lèvres la gendarmerie.
« On a parfois des rassemblements de ce type, en général du côté de la Moselle, très près de la frontière allemande », confie également une source policière lorraine, évoquant des soirées privées « très maîtrisées, très discrètes » et qui ne génèrent « pas de trouble à l’ordre public ». Par conséquent « on n’a aucun pouvoir d’aller voir ce qui s’y passe. On pourrait interdire ces rassemblements s’ils étaient déclarés avec un objet précis, mais ce n’est jamais le cas ».
La législation allemande en revanche est nettement plus restrictive envers les rassemblements de ces groupuscules. « Au-delà d’un certain nombre de personnes réunies dans une salle, arborer des emblèmes nazis ou assimilés est illégal, même dans un cadre privé », selon Gideon Botsch, chercheur spécialiste de l’extrême droite à l’université de Potsdam, près de Berlin.
Les autorités allemandes font également la chasse au hard-rock néonazi, ou « hatecore », qui est un outil de recrutement important dans ces milieux. Certaines chansons accusées d’épouser l’idéologie néonazie ou de contenir des paroles racistes sont sur liste noire et leur vente interdite dans le pays. Aussi « le cadre législatif plus libéral de pays voisins offre des opportunités », ajoute M. Botsch. Il cite pêle-mêle la Pologne, la République tchèque, le Danemark, la Belgique flamande, les Pays-Bas et l’est de la France comme destinations de choix.
Mais à l’étranger aussi les néonazis prennent des précautions : pour ne laisser aucune trace et éviter d’éventuelles poursuites judiciaires, les organisateurs de la soirée d’Oltingue avaient ainsi banni caméras et téléphones portables.
Flyers sur internet et plans B
A Volmunster (Moselle), des néonazis allemands disposent depuis quelques années d’un chalet privé sur un lopin de terre isolé pour pouvoir y organiser des concerts en toute tranquillité. « Je ne sais pas si le terrain est à eux, mais il appartient à un Allemand », déclare le maire de la commune, Daniel Schaff. « De temps en temps » des gens « viennent avec un semi-remorque et font de la musique », témoigne-t-il. « Mais ils ont de l’ordre. Le lendemain il n’y a plus rien et c’est propre ». Personne ne se plaint non plus. « Qu’est-ce que vous voulez faire ? », lance le maire.
Les élus locaux sont plus embarrassés quand les néonazis, parfois via des « camarades » français, louent des salles communales sous un prétexte fallacieux. Avant Oltingue, ce genre de mésaventure était déjà arrivé, par exemple à Schleithal (Bas-Rhin), en 2008, ou à Rohrbach-lès-Bitche (Moselle), en 2011.
Les JN, les jeunesses du parti allemand d’extrême droite NPD, s’étaient également réunies dans le Bas-Rhin, à Hatten, en 2011, et à Salmbach, en 2012.
A Toul
La même année, plus d’un millier de néonazis venus en majorité d’Allemagne avaient fait la fête dans un hangar privé loué pour l’occasion à Toul (Meurthe-et-Moselle), après avoir été empêchés au dernier moment de louer la salle polyvalente de Volmunster.
« En général ils louent plusieurs endroits à la fois, ils ont toujours un plan B », explique Alexander Breser, porte-parole de la cellule antifasciste de Sarrebruck (ouest de l’Allemagne). « Sur les flyers diffusés sur des forums internet spécialisés, le lieu des concerts n’est jamais précisément indiqué. Il y a juste un numéro de téléphone temporaire ou un e-mail. Ce contact permet d’obtenir le lieu d’un premier rendez-vous, et sur place on vous donne l’adresse finale », selon M. Breser.
Un concert similaire est annoncé « dans le nord de la France » pour fin mai, d’après un flyer repéré sur internet par des cellules antifascistes allemandes et suisses. Ce qui peut désigner en réalité la Lorraine, supposent-elles.