Nous avons rencontré quelques camarades de Nantes, à la fois acteurs des luttes à la ZAD de Notre Dame des Landes, et du cœur des cortèges de tête du mouvement contre la loi travail qui depuis Mars a secoué la France. Nantes, ville bretonne, chef-lieu du département de Loire Atlantique, a représenté avec Rennes, après Paris, un des « centres chauds » du mouvement. De nouveaux jeunes, générations, militants, l’importance d’une dimension d’une ligne radicale, l’affrontement avec le Parti Socialiste, l’actualité de la ZAD contre le projet d’aéroport à 30 kilomètres de la ville et les scénarii futurs... sont quelqu’uns des thèmes que nous avons abordés dans une conversation avec ces camarades il y’a quelques jours dans un après-midi de mi-Juillet.
«Qu’est ce qu’a représenté la grève générale du 14 Juin et dans quel sens peut-on dire que cela a démontré les richesses et les limites de trois mois de mouvement?»
P.: C’est important de démarquer ce passage comme lié aux trois mois précédents de mobilisation et de recomposition sociale dans l’affrontement. La puissance de la manifestation du 14 Juin peut-être représentée comme le courant d’un fleuve entre deux rives de police, et reste encore plus significative parce qu’elle arrive après trois mois de fortes répressions policières sur toutes les composantes des cortèges et en particulier contre les jeunes. C’est la première fois en France que systématiquement le cortège de tête est occupé non pas par les représentants syndicaux mais par la jeunesse et le mouvement autonome qui sur cette discontinuité se sont donné les conditions de la recomposition.
Ceci est un moment d’une nouvelle importance, qui configure cette mobilisation comme extrêmement différente des précédents mouvements sociaux en France.
À Nantes aussi, fin Mars, il n’y avait plus les syndicats en tête des manifestations mais des groupements autonomes composés de jeunes, lycéens et universitaires, jeunes de quartiers, chômeurs, travailleurs précaires.
Cl.: Au début, les syndicats ont essayé comme d’habitude de prendre la tête des cortèges, séparant une jeunesse plus radicale du reste de la manifestation. Mais il y avait une telle énergie et rapidité que les syndicats n’ont pas réussi à contenir cet élan. Au début, de nombreux lycéens occupaient les manifestations avec un besoin de radicalité. Nous avons pu voir que beaucoup voulaient continuer de manifester à la fin du cortège et du parcours prévu par les syndicats. C’est devenu une habitude, obligeant aussi beaucoup de syndicats et syndicalistes à suivre le défilé non autorisé des cortèges.
P.: Ces étudiants ont voulu et ont cherché une forme de cortège différent de celle des manifestations syndicales extrêmement encadrée et organisée avec tout le floklore qui y’est lié: les camionnettes de l’organisation, les drapeaux, les ballons. Au contraire, par exemple, dans le cortège de tête juvénile, il n’y avait pas de drapeaux mais des gens prêts à l’action contre des objectifs spécifiques: par exemple des tags sur les banques. Le rap est aussi un moyen communicatif important, propre aux plus jeunes et soutenu de tout le mouvement. Le slogan «le monde ou rien» vient d’une chanson de rap.
«La police était un objectif dès le début?»
Cl.: Au début la police n’était pas un objectif. Mais à chaque manifestationil y avait des violences policières contre le cortège et elle est donc devenue un objectif. Tous les gens ont commencé a chanter «Tout le monde déteste la police».
P.: Ce qui l’est important de comprendre c’est que la répression policière est devenue généralisé, pas seulement ciblée contre la composante autonome mais contre tous. Cela a permis de radicaliser une large partie du mouvement et surtout des jeunes et très jeunes. Ça c’est une conséquence positive. On peut dire qu’il y a eu une propagande par le fait: au départ seuls de petits groupes se lançaient dans les actions radicales. Les jeunes voyaient d’un côté les actions et de l’autre la répression policière, et dans les actions suivantes se sont joints aux groupes autonomes dans la pratique de ces actions. Les cortèges de tête, les groupes autonomes, au début étaient assez restreints puis se sont élargis devenant le point d’attraction des manifestations, pas seulement pour la jeunesse mais aussi pour beaucoup de travailleurs inscrits dans des syndicats qui ont rejoints les cortèges de tête. C’était très important de voir s’unir autant de personnes au cortège de tête, donnant un consensus à ses actions sans pour autant forcément y participer directement.
V.: Il y a quelques cas de syndicalistes de la CGT qui au début n’étaient pas dans les cortèges de tête et qui après se sont unis et ont aussi affronté la police.
«Il y a des rapports établis avec ces travailleurs et syndicalistes qui ont participé aux cortèges de tête?»
P.:
Ça dépend de la ville. Là où le mot d’ordre est devenue «bloquons tout»
c’est établi un rapport plus étroit entre les travailleurs et les
composantes autonomes. Dans certaines villes se tiennent des assemblées
inter-luttes composées d’étudiants, de syndicalistes, de précaires. Même
si à l’intérieur des syndicats il y avait des personnes qui n’étaient
pas totalement d’accord avec la composante autonome, elles avaient une
attitude de respect grâce au rapport de force imposé par les cortèges de
tête qui étaient forts, et obligeaient les syndicats à les prendre en
compte. Par exemple, le 17 Mars, au tout début du mouvement, pendant que
le cortège de tête attaquait des cibles dans Nantes, le service d’ordre
de la CGT a essayé d’arrêter les actions. Il y a eu un accrochage entre
le service d’ordre et les autonomes avec beaucoup de manifestants
organisés dans le syndicat qui ont soutenu les autonomes. Après ce
moment le service d’ordre du syndicat n’est plus intervenu contre le
cortège de tête. A Nantes la CGT n'a pas l’habitude de déployer un
service d’ordre équipé de casque et matraques aux manifestations, donc
ça a été plus facile de les repousser. Alors qu’à Marseille et Toulouse,
il y a eu des exemples d’agressions de la part du service d’ordre de la
CGT dans les affrontements avec les autonomes. À Paris au mois de Mai
il y a eu beaucoup d’accrochages de ce type, sans qu’il y ait clairement
un vainqueur.
Quand les
camionneurs ont déclaré qu’ils allaient rejoindre le mouvement, le
gouvernement leur a immédiatement fait des concessions. La centrale
électrique de Cordemais, aux environs de Nantes, est entrée en grève
vers le 10 Mai durant le mouvement en luttant pour ses propres
conditions: sauver 136 emplois. Après deux jours le gouvernement a cédé
sur les revendications de la grève. Ça a été un fort niveau de discrédit
et de fragilisation du pouvoir duquel tous ont bénéficié, en
encourageant les personnes à se révolter et à prendre confiance.
Qu'est-ce qu'une insurrection sinon un agrégat de colères individuelles,
de révoltes particulières?
«Dans quelle mesure peut-on dire qu’au contraire la capacité de médiation des syndicats a été remise en cause?»
P.: Le mouvement est parti d’une pétition en ligne, ensuite mise en circulation indépendamment des délégués syndicaux, et donc depuis le départ les centrales syndicales ne contrôlent pas la mobilisation. À partir du 49.3 la direction de la CGT a tout de même exprimé sa force dans les points stratégiques, comme lors des grèves dans les raffineries. À partir de ce moment jusqu’à maintenant il n’a plus s’agit d’une lutte entre un mouvement incontrôlable et le gouvernement, mais l’affrontement s’est politisé dans la confrontation entre Valls et le secrétaire général de la CGT Martinez. Ça a clôt la dimension ingouvernable du mouvement.
«Le 14 Juin a t-il aussi, d’une certaine façon, signé la fin de cette dimension ingouvernable?»
P.: Il y a eu une manifestation avec un million de personnes, avec un cortège de tête vraiment imposant. Donc la stratégie de contrôle de la police vraiment étrange, avec un grand désordre et des points sur lesquels le cortège venait cassé. La force de cette manifestation a était dans le fait qu’il y avait un fleuve imposant difficilement contrôlable, et pourtant la manifestation n’est pas parvenue à dépasser la limite de la Place des Invalides. Quand l’Etat a vraiment voulu mettre un terme à la manifestation, il a réussi. La victoire réside dans le fait qu’il y avait quand même une grande énergie après trois mois de lutte et de répression. Cette manifestation représente la fin d’un cycle, portée par la ténacité de la composante militante et celui des politisés durant le mouvement et dans un même temps le début d’une nouvelle phase.
«Après le 14, le dispositif policier a cherché à séparer le corps des manifestants entre ceux qui acceptaient ou non d’entrer les filtrages et les nasses. Handicapant ainsi la capacité des cortèges de tête parce que séparés d’une dimension sociale plus ample…»
Cl.: J’ai participé à la manifestation de Paris le 23. C’était plein de policiers, des centaines d’agents dans les rues, avec la fermeture des arrêts de métro. C’était impossible d’entrer dans le cortège avec n’importe quel type de matériel, pas même les écharpes/foulards ou les lunettes de piscine. Ça ressemblait à une vengeance après le 14 Juin. C’était un contrôle généralisé accompagné d’une forte pression médiatique.
C’est aussi arrivé à Rennes et Nantes. À Rennes le 14 Mai il y avait une manifestation contre les violences de la police qui avait éborgné un manifestant. Le centre de la ville était complètement interdit, les stations de métro fermées, et le point de rassemblement encerclé par la police. C’était donc inévitable de passer par les contrôles de police si on voulait manifester. Les camarades ont néanmoins essayé de partir en cortège, mais la police a immédiatement barré la rue, en gazant tout le cortège. C’était comme se trouver dans une cellule gigantesque avec la surveillance de l’hélicoptère au dessus. À chaque manifestation maintenant il y a les hélicoptères.
P.: À
Nantes le 9 juin ils ont fait partir la manifestation en fermant
beaucoup de rues et n’en laissant qu’une ouverte, qui au moment où le
cortège y est entré à été aussi fermée, nassant le cortège. Dans cette
situation c’était facile d’interpeller et d’arrêter les manifestants,
tous étaient sous contrôle. Peu avant de fermer la rue la police avait
donné l’ordre de se disperser mais en fermant subitement la voie de
sortie et donc, tous ceux qui se trouvaient là étaient passibles d’une
garde à vue. Ensuite la BAC est entrée dans la nasse en procédant à
l’arrestation de plusieurs militants, en particulier ceux masqués et
équipés. Aujourd’hui les arrêtés de cette journée attendent leur procès
qui débutera en Décembre. À Nantes, les manifestations sont désormais
interdites depuis le 19 Mai. Avec ça s’ajoute les interdictions de
manifester adressées à des personnes en particulier, et prolongées, à
Nantes, pendant toute la durée de l’Etat d’urgence. Aujourd’hui il y a
entre 35 et 40 interdictions de manifester. À Paris, les interdictions
ont concerné des manifestations seules, pas des périodes aussi étendues.
À Paris, le 14 Juin, il y a eu 130 interdictions de manifester.
La police est devenue imprévisible. Elle fait différentes expériences pour savoir où elle peut faire mal. Mais déjà, le fait qu’après ces coups durs il y ait encore des personnes dans les rues pour manifester est un point positif. Maintenant nous devons imaginer comment être encore plus imprévisibles dans nos initiatives, en maintenant une hétérogénéité de la composition de notre mouvement parce que c’est ça notre force. S’il n’y a que quelques militants masqués et vêtus de noir, ce n’est pas suffisant et ce n’est pas politiquement intéressant, et la police contre ces camarades aura les mains libres et pourra faire ce qu’elle veut. Au contraire, s’il y a une hétérogénéité entre les syndicalistes, les travailleurs en générale, les jeunes, les étudiants, la police ne peut pas se permettre les mêmes choses.
«Pour maintenir ensemble cette hétérogénéité un ennemi commun est nécessaire …»
L’ennemi commun est le Parti Socialiste dans une ligne commune construite dans la pratique: le blocage d’un site stratégique, un cortège sauvage partant d’un lycée, la prolongation d’une manifestation après sa fin officielle, l’occupation d’un lieu pour s’organiser ensemble, comme à Rennes. C’est le propre de la révolte d’être un point de convergence de diverses luttes. Historiquement ça a toujours été le cas.
«Quelle importance a eu l’annulation de l’Université d’été par le Parti Socialiste, prévue pour la dernière semaine d’Août?»
P.: C’était une occasion en or pour le mouvement. Ça a aussi était perçu de la part du gouvernement et du PS, et par peur ils ont annulé l’événement. Les agents de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (police politique française) se sont sans doute infiltrés dans les rencontres, puisque des élus socialistes ont évoqué le contenu de ces réunions, et la menace qu'elles représentaient, illustrant de fait comment même la police percevait le potentiel et la menace de ce mouvement. Les assemblées de préparations étaient très hétérogènes et riches en propositions. Un vieux a par exemple proposé de faire la manifestation avec des bateaux car le lieu prévu de l’événement pouvait être rejoint à travers la rivière et les canaux, des syndicalistes voulaient bloquer l’arrivée des représentants du Parti Socialiste. C’est encore un peu tôt pour dire s’il s’agit d’un échec pour le mouvement : Il y aura d’autres Université d’été, réparties dans diverses villes en France. On imagine déjà d’autres moments de relance du mouvement. Déjà pour Septembre circulent des appels pour bloquer le début de l’année scolaire en France dans les lycées. Quelque chose qui n’a encore jamais réussie. Et pour le 15 septembre les syndicats ont appelé à une journée de grève.
Qui a participé au mouvement se perçoit encore dans un mouvement de gauche?
P.: Ça apparaît comme un mouvement de gauche, mais historiquement ça se donne une nouvelle configuration parce qu’au pouvoir, le Parti Socialiste est un parti de gauche. Il y a donc maintenant aussi une opposition à gauche. Dans la rue, dans les cortèges, se retrouve la majeure partie des personnes qui ont voté pour François Hollande au nom du vote utile contre Sarkozy. Maintenant se sont la méfiance puis l’hostilité qui apparaissent dans les affrontements avec la gauche, en particulier quand interviennent les dimensions institutionnelles et le gouvernement PS: «Tout le monde déteste le PS». Qui plus est il n’y a pas de partis plus à gauche que le PS en mesure de récupérer le mouvement. Il n’y a pas un Podemos en France. Et ça de notre point de vue c’est positif. Mélenchon (ex-membre du PS puis fondateur du parti de Gauche) au début de Juin a fait un meeting pour gagner les sympathies du mouvement mais il n’en n’a pas bénéficié. Dans un même temps Hollande est tellement descendu dans les sondages qu’il s’est fait dépasser par Mélenchon. Ce qu’on remarque, c’est que plus le mouvement dure dans le temps, moins on entend parler de la campagne présidentielle et finalement on peut dire que le temps de la campagne électorale et celui de la lutte se superposent, et ça c’est déjà une victoire.
«Comment interprétez vous l’expérience de Nuit Debout?»
Cl.: Nuit Debout est différente d’une ville à l’autre. Par exemple à Rennes, Nuit Debout n’a pas était très intéressante, semblablement à Paris, beaucoup de citoyennistes, et pas tant de participation que ça. Alors qu’à Montpellier nous avons rencontrés sur une ZAD quelques jeunes qui viennent de Nuit Debout et qui se sont politisés et radicalisés gràace à cette expérience.
P.: Aujourd’hui les médias accusent Nuit Debout d’échec parce qu’elle n’a pas fait naître un mouvement politique déterminé comme Podemos par exemple, mais le fait est qu’ils ne disent pas la vérité et reflètent un intérêt du gouvernement, car Nuit Debout n’est pas le début d’un mouvement, mais seulement l’une de ses composantes. Durant Nuit Debout nous avons souvent vu des personnes qui ont essayé de faire une assemblée constituante, comme une nouvelle forme de révolution française, pour arriver à une constitution et à une démocratie alternative, mais il y avait aussi des militants de cette même Nuit Debout qui ont dit que ce n’était pas suffisant, et qu’il y avait besoin de faire des actions radicales. Donc les autonomes, grosso modo. Il y a vraiment deux courants à l’intérieur de Nuit Debout. La Place de la République, courant Mars, a eu l’occasion d’être un centre de référence pour l’action. Au départ Nuit Debout était vue comme un mouvement « gentillet », mais à partir du moment ou des actions offensives sont parties de la Place de la République, ils ont souvent été bloqués et attaqués par la police.
Autres que ces deux courants politiques à Nuit Debout, il y avait aussi une connotation précise de classe : il s’agissait en majeure partie de personnes blanches de classe moyenne avec un bon capital culturel. Donc par exemple une certaine hétérogénéité, involontaire à l’origine, s’est produite dans la recomposition due au mouvement. Par exemple il semble qu'à Marseille Nuit Debout ait moins bien fonctionné parce qu’il s’agit d’une ville très populaire.
«Quels rapports se sont établis entre la ZAD de NDDL et le mouvement contre la loi travail?»
J. : On ne peut pas parler au nom de toute la ZAD, ce n’est pas une chose homogène. Il y a une part des militants du mouvement de la ZAD, des occupants, qui se sont engagés dans le mouvement contre la loi travail. En particulier pendant l’occupation de la faculté, il y avait beaucoup de zadistes qui ont organisé la cantine populaire et la logistique. Ils n’étaient pas nécessairement présents mais ils étaient solidaires avec l’occupation et contre la loi travail. Ce qui est amusant c’est que les médias locaux ont fait une description des occupants de la ZAD comme les cuisiniers du mouvement, alors que ce n’était pas ça, évidemment.
V.: À Nantes, il y a une propagande étatique de la part des médias qui dit que dans chaque manifestation il y avait les occupants de la ZAD qui mettaient le bordel dans la ville. Ce n’est bien sûr pas vrai. Les occupants de la ZAD sont numériquement très peu au sein des manifestations. Mais au contraire le mouvement de la ZAD et de la lutte contre l’aéroport a instauré localement et nationalement un imaginaire et des modes d’actions qui s’observent maintenant dans le reste de la lutte contre la loi travail et qui a donné confiance au mouvement ainsi qu’une force, une volonté, un imaginaire collectif. Avant le mouvement contre la loi travail, la ZAD était l’unique point d’opposition au gouvernement et au Parti Socialiste. Maintenant c’est une situation plus large dans laquelle il s’agit seulement en partie les mêmes personnes.
«Que devra affronter la ZAD de NDDL après les mobilisations contre la loi travail?»
P.: Ce qui diffère c’est qu’il y a eu cette répercussion du référendum pour dire OUI ou NON au projet d’aéroport à Notre Dame Des Landes. Mais touts les projecteurs étaient concentrés sur la loi travail et ce référendum s’est passé dans l’indifférence générale et donc, nonobstant la victoire du OUI, le mouvement contre la ZAD n’a pas perdu sa force. Il y avait encore au début de Juillet des milliers de personnes à la ZAD. Ce qui est préoccupant c’est le mois de Septembre parce que Valls a annoncé qu’il y aura des expulsions.
«Après le référendum l’Etat se légitime avec le démocratie et donc l’affrontement devient contre la démocratie…»
Cl.: C’est exactement ça que l’Etat a voulu faire.
P.: L’usage de la seule force n’a pas fonctionné en 2012 (avec les tentatives d’expulsions), pas plus que l’usage politique – judiciaire - lors des procès en 2014 et 2016. L’arme la plus dangereuse à laquelle ils recourent désormais est la démocratie. Et donc évidemment ce sera maintenant une guerre contre la démocratie, la police pourra se servir de ça pour attaquer la ZAD et sauver la démocratie.
Cl.: Une chose similaire c’est déjà produite par exemple à Stuttgart, en Allemagne (contre le projet de gare Stuttgart 21) où l’opposition au projet était très forte mais les Verts ont proposé un référendum. Le «oui» l'a emporté. Le référendum a donc permis d'imposer un projet très contesté. L'opposition politique a joué le jeu du vote, et a du faire construire la gare. Ce qui est positif chez nous, c’est qu’après le référendum, toutes les composantes de la lutte contre l’aéroport ont été d’accord pour dire qu’il faut continuer et ne pas accepter cette décision malgré le référendum: les occupants de la ZAD, les associations plus citoyennistes, les collectifs de paysans et les habitants historiques, les militants écologistes, les syndicalistes de Solidaire, Attac, ainsi que les militants du Parti de Gauche. Tous sont d’accord pour ne pas se soumettre au verdict de ce référendum, nonobstant les sensibilités politiques diverses. Tous sont contre le projet et il y’a une composition entre différents modes d’action.
«C’est ambitieux comme projet, de construire pour nous une dimension du conflit contre la démocratie, donc à gauche du Parti Socialiste et contre la démocratie. Cela sort des cadres de la Gauche occidentale …»
V.: La force de la ZAD, d’autre part, réside dans le fait d’être déjà montrée comme une zone de non-droit en dehors de la République.
source: http://www.infoaut.org/index.php/english/item/17441-nantes-entre-zad-et-loi-travail-le-d%C3%A9fi-%C3%A0-gauche-contre-la-d%C3%A9mocratie