Livre-documentaire qui parcourt l’histoire italienne de 1950 à 1980, La horde d’or est aussi un livre d’histoires, d’analyse politique, une boîte à outils, une auto-enquête, un recueil de chansons, une collection de tracts, un récit nombreux aux fils entrecroisés, un livre partisan qui ne dit jamais « je », mais met en présence des énoncés multiples et singuliers. Cet ouvrage retrace le foisonnement théorique, culturel et langagier, et la grande inventivité sociale qui ont caractérisé, à cette période, le besoin de communisme en Italie.
La horde d’or [1] retrace un pan de l’histoire italienne récente : « 1968-1977 : la grande vague révolutionnaire et créative, politique et existentielle ». C’est, à ce jour, le seul livre qui évoque aussi complètement le foisonnement théorique, culturel et langagier, et la grande inventivité sociale qui caractérisèrent cette période en Italie.
Lorsque Primo Moroni, Nanni Balestrini et leurs camarades commencent à écrire L’orda d’oro en 1987, leur premier geste consiste à rassembler dans une pièce la littérature grise et volante des années 1960-1970.
Nous sommes au milieu des années 1980, les années « de la peur, de l’indifférence, des trahisons, de la solitude, de l’héroïne et de l’exil »
(Sergio Bianchi). L’ère des contre-révolutions est en train de
recouvrir de silence les questions qu’avaient ouvertes le long mai
italien : la place du travail et des espaces collectifs dans la
métropole grandissante, la question de l’enseignement et de la
circulation du savoir, la mutation du capitalisme et des subjectivités.
Primo Moroni avait conservé beaucoup de documents de ces années-là. À Milan, sa librairie, la Calusca, accueillait depuis 1971 les publications du mouvement. Livres politiques et de littérature, poésie, histoire, bande-dessinée, revues en nombre ; on y venait aussi pour prendre un tract, déposer son dernier album autoproduit. Pour écrire L’orda d’oro, ces documents seront coordonnés aux bibliothèques de plusieurs camarades. Un ensemble d’écrits seront mis à contribution pour effectuer la traversée de cette période. Le tout formant comme une grande boîte d’archives, une bibliothèque. Un collectif provisoire, réuni à Rome puis à Milan, décide d’ouvrir cette boîte, pour raconter à nouveau.
Nous avons fait le choix d’une traduction all’aperto – à ciel ouvert. D’abord parce que ce livre a été conçu et écrit à plusieurs, mais surtout parce qu’il se donne comme la chambre d’écho de dizaines, de centaines de voix, celles d’un mouvement composite, hétérogène, inassignable. Mais aussi parce que traduire est un temps qui offre toujours l’occasion de découvertes et de rencontres qu’un texte donné sous la forme finie d’un livre, ne peut faire partager. Ce pourrait être exactement cela traduire L’orda d’oro et composer ce journal : remettre les matériaux sensibles qui composent le livre dans un espace commun, remettre en jeu ces histoires de ville, aujourd’hui.
Des documents, des entretiens, des extraits de cette traduction trouveront place dans ce journal. Des rendez-vous à la librairie Folies d’encre à Saint-Denis, qui accompagne cette traduction mais aussi des temps de lecture collective et de recherche, trouveront également écho dans ces pages. Ce journal, en ouvrant le livre sur le présent, sera la trace d’un processus de (re)découverte d’une histoire, alors même que sa judiciarisation ne cesse aujourd’hui encore d’en brouiller la mémoire et les prolongemnts, empêchant toute approche matérielle de cette période.
Nous traduisons l’orda d’oro, journal de traduction n° 1, septembre 2008
Entretien avec Nanni Balestrini et Sergio Bianchi
À Rome en juillet [2008], nous avons rencontré Nanni Balestrini et Sergio Bianchi. Ils reviennent ici sur la composition du livre et ses préalables.
Nanni Balestrini : L’orda d’oro est né d’un concours de circonstances, même si ce livre était nécessaire depuis longtemps. Depuis des années, les prises de parole publiques sur les années 70 se résumaient à la version des journaux et de la télévision : c’était les années de plomb, les années des Brigades rouges, des années où on tuait des gens. Heureusement ce cauchemar était terminé, tout était redevenu beau et normal, la République était toujours en place et les mauvais éléments avaient été neutralisés. Il fallait surtout oublier ce passé terrible qui avait inexplicablement mobilisé les esprits de toute une partie d’une génération. Il n’y avait aucune explication, pas même une tentative, même fausse, de rendre compte des motivations de tout ce qui s’était passé. On préférait tout passer sous silence.
Sergio Bianchi : En 1983-84, nous étions réfugiés en Provence avec Nanni (c’est là qu’est né le projet des Invisibles [2]). Je suivais les débats dans les journaux italiens. Les journalistes et les hommes d’opinion du moment avaient créé un climat de criminalisation médiatique, notamment en construisant la figure du cattivo maestro [3], de l’intellectuel inspirateur du terrorisme et corrupteur des jeunes générations. Les intellectuels de gauche cultivaient alors une sorte d’autocritique ; ils considéraient qu’ils avaient été trop tolérants envers certains pseudo-intellectuels qui s’étaient dans les faits révélés des fous furieux, dont les discours avaient conduit au terrorisme et à toutes sortes de faits délictueux. Il y a eu comme un accord pour ne plus permettre que ces gens puissent s’exprimer comme par le passé. Cela s’est conclu par une mise à l’index d’un certain nombre de personnes et une invitation faite aux directeurs de journaux de ne plus leur donner la parole.
NB : Il faut s’imaginer que dans les années 1970, les plus grandes maisons d’édition comme Feltrinelli, Mondadori ou Einaudi avaient toutes publié quantité de livres politiques, depuis les classiques du marxisme jusqu’aux livres écrits par les différents acteurs du mouvement... Dans les années 1980, tous ces livres ont purement et simplement disparu des catalogues. II y a eu une véritable épuration.
SB : Des collections entières ont été envoyées au pilon pour des raisons politiques, comme « Materiali marxisti » chez Feltrinelli. L’un des effets les plus dévastants de cette censure, c’était l’absence de mémoire chez les jeunes générations. Il ne s’était pas passé beaucoup de temps et pourtant les plus jeunes ne savaient déjà plus rien de ce qui était arrivé, parce qu’il n’y avait plus ni les instruments de communication du mouvement, « comme les revues ou les radios », ni les livres à travers lesquels passait encore à l’époque l’essentiel du savoir. Écrire L’orda d’oro, cela voulait donc aussi dire combler ce vide de mémoire, restituer une version des événements aux jeunes générations. C’est pourquoi les premières lignes de l’ouvrage affirment le refus d’une quelconque objectivité et le choix d’une détermination partisane, subjective pour répondre au refoulement et à la déformation de la vérité [4].
Quand Nanni est retourné en Italie après un non-lieu dans les procès du 7 avril [5], il est arrivé avec les Invisibles sous le bras et il a mis un an à trouver une maison d’édition. Une fois publié, le roman a rencontré un bon succès et a ouvert une brèche. Au milieu des années 1980, il y avait encore 5 ou 6000 personnes incarcérées dans les prisons spéciales, avec des peines très lourdes. Dans ce contexte de silence et de refoulement total, la publication des Invisibles, qui abordait cette période dans un registre narratif, avait creusé un petit trou dans ce grand mur de silence, mais il fallait l’élargir encore. L’orda d’oro, en se situant sur le terrain de l’essai historique, y a contribué.
NB : Tout cela pour dire qu’en dehors de la Sugarco, personne n’aurait publié L’orda d’oro
à l’époque. Cette maison d’édition existait depuis les années 1960 ;
elle appartenait au Parti Socialiste Italien. À l’époque, c’était le
seul parti à avoir une attitude un peu différente par rapport à
l’histoire des années 1970, ne serait-ce qu’en raison de sa stratégie
anticommuniste. Le Parti Communiste Italien avait endossé un rôle de
sentinelle [6],
pour la sauvegarde des institutions de la République,et le PSI, pour
des raisons tactiques évidentes, jouait les « non-alignés ».
Je connaissais Massimo Pini qui dirigeait la Sugarco, et il m’a parlé de
publier un livre pour le 20e anniversaire de mai 1968. Nous étions
courant 1987, nous avions donc très peu de temps pour faire le livre,
mais c’était une occasion que nous ne pouvions pas manquer. Nous avons
très vite décidé de faire le livre avec Primo Moroni. Le projet initial a
été étendu au-delà et en amont de 1968, pour faire de L’orda d’oro un
livre sur le « long mai » italien [7].
Moroni était la personne idéale pour ce projet, en tant que libraire,
mais surtout en tant qu’activiste du circuit de la communication
alternative en Italie. Il connaissait tout ce qui avait été publié, mais
aussi les différents groupes, les groupuscules, toutes les composantes
du mouvement. Son extraordinaire mémoire a considérablement accéléré le
travail, et nous a dispensé d’une série de recherches préalables. Le
travail a commencé à Rome pendant l’été 1987, et s’est poursuivi à
l’automne à Milan, chez Barbara et Sergio Bologna.
SB : La première question a été de savoir comment réaliser un tel projet. Nous étions issus de trois générations politiques différentes, chacun portait trace d’une décennie en particulier : Balestrini avait traversé les années 1950, Moroni avait connu l’explosion des années 1960, et moi, je m’étais formé politiquement dans les années 1970. Ce sont les trois décennies sur lesquelles porte le livre. Au départ, nous n’avions pas de plan particulier, mais nous pouvions compter sur cette encyclopédie ambulante qu’était Primo Moroni. Il avait à la fois une immense mémoire et une très grande connaissance, depuis l’intérieur, des réalités de l’antagonisme de base, tout en étant au fait du débat intellectuel général, que ce soit en matière de droit, de sociologie, de philosophie ou d’histoire. C’était une personne très singulière. Sa culture lui permettait de concevoir avec une certaine adresse la transition des années 1960 aux années 1970 en prenant en compte l’après-guerre et la contradiction qu’elle avait laissée au sein de la classe ouvrière, comme le souligne le premier chapitre du livre [8]. Quant à Nanni, il a travaillé à doser les différents éléments en fonction des thématiques abordées. Il a su choisir les personnes adéquates pour traiter différents sujets, par exemple, la question ouvrière dans le contexte des années 1970, la question du féminisme, etc. Enfin, il a en quelque sorte transposé son art du montage du roman à l’essai. C’est pourquoi L’orda d’oro ressemble à un plat savamment cuisiné, avec un ensemble d’ingrédients bien dosés, sans déséquilibre. Le montage a rendu cette œuvre à la fois concentrée et riche, c’est ce qui lui donne cette apparence d’exhaustivité, même s’il est impossible de restituer toute la richesse de trois décennies de luttes. Mais en décrivant tous les niveaux, toutes les dimensions du mouvement, en faisant la synthèse de ses composantes, en suivant la manière dont elles se sont conjuguées malgré les obstacles et les différences, le livre réussit à rendre compte de son développement pendant trente ans, jusqu’à la défaite d’une classe dans son ensemble, jusqu’à la modification complète du scénario social, économique et productif.
NB : Nous avions cinq ou six mois devant nous, il fallait faire très vite. Nous n’avions pas les titres des chapitres tels qu’ils devaient figurer dans la version finale du livre. Tout est né au cours du travail, les choses se sont ajoutées les unes aux autres, et puis l’ensemble des parties a trouvé son ordre. Au fur et à mesure que nous avancions, une méthode a commencé à se dégager et tous les éléments ont trouvé leur place, petit à petit, chapitre après chapitre. Cela s’est fait de manière assez improvisée, dans un même élan, et c’est peut-être ce contexte d’écriture qui a permis que le livre soit vivant et donne cette impression d’exhaustivité. Nous avions bien sûr une idée générale, mais ce n’était pas un travail systématique, comme on l’aurait fait pour écrire un livre d’histoire. Nous avons plutôt choisi de donner une série de coups de projecteurs sur différentes situations, et c’est bizarrement cela qui donne l’impression d’un tout homogène.
SB : La spécificité du livre tient aussi au fait
qu’il met en présence des matériaux très divers. Il y a bien sûr des
textes théoriques, mais la structure de fond reste celle du récit. Les
luttes avaient produit une telle richesse qu’il n’était pas nécessaire
d’adopter un point de vue surplombant comme l’aurait fait une démarche
universitaire. Le simple récit des faits était déjà porteur d’énormément
de sens. Et puis le livre a été écrit à chaud, peu de temps après la
clôture de ce cycle de luttes. Ce serait impossible de refaire cela
aujourd’hui, la mémoire ne serait plus aussi vive. Je me souviens que
lorsque nous avons commencé à écrire, sans trop savoir comment nous y
prendre, Primo arrivait continuellement de Milan avec des valises
remplies de livres. Une mosaïque de publications diverses recouvrait les
murs de l’appartement où nous étions installés.
Primo se levait parfois pour prendre un livre et recopier un bref
extrait, ou bien il écrivait d’après son propre souvenir, et puis il
téléphonait à l’un ou à l’autre pour demander des détails sur telle ou
telle lutte. Nous savions que nous pouvions compter sur un certain
nombre de personnes dont nous sommes allés recueillir les témoignages
avec un petit enregistreur. Nous avons commencé à dérusher, couper,
corriger, monter, sélectionner...
NB : Au-delà des valises de livres, il faut souligner la quantité de journaux, de revues et de brochures que Primo et nous-mêmes avions apportés. Dans toute l’Italie, pendant le mouvement de 1977 [9], il y a eu une explosion de ce genre de petites publications.
SB : On disait « les cent fleurs »...
NB : Dans ce type de publications, il y avait cette culture du récit et de la narration qui apparaît dans L’orda d’oro, et tout un imaginaire très diversifié. Une prise de parole...
SB : 1977 a été en effet le moment d’une énorme
production de journaux, de fanzines, de petites feuilles éphémères avec
parfois un seul numéro. C’était vraiment l’explosion de l’écriture, avec
des publications sans grande prétention théorique, mais où le geste
prévalait sur la qualité. Comme pendant la période punk où tout le monde
pouvait soudain faire de la musique, là tout le monde s’était mis à
écrire. En 1976 déjà, il y avait eu l’explosion des radios, un phénomène
vraiment important de réappropriation des technologies. Nous avions
donc derrière nous toute cette richesse communicative. On voit très
clairement la trace de toutes ces sources dans le choix de faire
apparaître dans le livre de nombreux textes de chansons. Primo Moroni y
était très attaché parce qu’il était persuadé – avec raison – de
l’importance de la chanson dans la formation du militantisme politique
en Italie. Depuis les années 1960, avec l’expérience du Canzoniere italiano [10]
par exemple, il y avait eu une remise en valeur de la production
culturelle de base, et la chanson était l’une de ses dimensions.
Outre la tradition folkloriste et populaire, il y avait aussi la musique
de variétés qui avait accompagné les mouvements de rébellion et de
révolte existentielle des années 1960 ; tous ces petits groupes beat
inspirés de la culture anglo-saxonne et qui manifestaient cette
rébellion souterraine qui allait exploser en 1968. Les textes des
chansons catalysaient les tensions et reflétaient la gestation de la
révolte. Ils sont distribués de manière assez savante dans plusieurs
chapitres du livre ; ils font partie de ces ingrédients qui s’intègrent à
la narration et rendent compte d’une atmosphère.
Cette dimension est sans doute liée à l’influence sur le livre d’un autre personnage milanais, Elvio Fachinelli. Il avait créé la revue L’Erba Voglio dans les années 1970 ; c’était un psychanalyste, un camarade engagé dans les luttes, lié au mouvement anti-psychiatrique. C’est avec lui que Balestrini a déclenché une vive polémique contre les intellectuels en 1977 [11]. Fachinelli a toujours eu une exigence conceptuelle anti-idéologique. Il a mené cette bataille anti-idéologique à l’intérieur même du mouvement en s’intéressant notamment à ce qu’il appelait le « pré-politique ». Il voulait comprendre ce qu’il y avait avant le politique dans la formation de la subjectivité militante, quels sont les éléments qui déterminent une conscience commune de la révolte. Ce qui précède la lutte politique, c’est la révolte subjective qui n’implique pas nécessairement une appartenance théorique et idéologique préexistante. Quand cette subjectivité prend une dimension de masse, on assiste à ce qu’on appelle les « mouvements de révolte existentielle ». Selon cette lecture, tout le cycle politique des années 1960 et 1970 a été anticipé par un extraordinaire mouvement de révolte existentielle qui s’est exprimé sur le plan culturel, dans les vêtements qu’on portait, la musique qu’on écoutait, ou les rapports entre les sexes.
Tous les chapitres de L’orda d’oro qui traitent du développement de la révolte avant sa généralisation - au travail, à l’école, sur le plan de la santé, du territoire, dans la vie quotidienne - abordent cette dimension subjective et existentielle pour expliquer comment se sont construites les révoltes, et ce jusque dans les usines. De même dans les années 1980, les centres sociaux punk ont été le moment de maturation existentielle d’une révolte qui a pris un caractère plus spécifiquement politique dans les années 1990. Parfois décriés pour leur caractère autocentré, leur clôture, leur enfermement, ces lieux abritaient des formes de résistance fondées sur des problématiques existentielles. Ces espaces, marqués par un ensemble de vécus et non par la politique et l’idéologie, sont devenus - pour partie - des espaces de production de subjectivité politique pendant la décennie suivante. À la lecture, L’orda d’oro rend bien compte de ces différentes strates : la composition de la narration est sensible à ce présupposé historiographique sur la genèse existentielle d’un mouvement.
NB : Sur la question historiographique, il faut aussi souligner l’influence d’un courant de pensée proche de Moroni et qui m’intéressait également, l’histoire orale avec notamment Cesare Bermani, mais aussi Danilo Montaldi, l’auteur de L’Autobiografia della leggera [12].
SB : En effet, c’est un point important. Nous
n’étions pas des historiens de métier, et nous ne sommes pas non plus
allés chercher des historiens à l’université pour leur demander comment
on faisait un livre d’histoire. Mais dans la subjectivité militante de
la génération de Nanni et Primo, il y avait deux traditions importantes
qui sont arrivées jusqu’à ma génération. La première, c’est celle de
l’histoire orale avec comme principal fondement l’Istituto de Martino et
Cesare Bermani. C’était un groupe d’historiens qui travaillaient à
partir de sources orales. Ils allaient interroger des personnes et, à
partir de ces discussions, ils ont construit une méthodologie. Bermani
était l’une des figures les plus importantes de ce courant. Il a
récemment publié un livre en deux volumes à partir de cette expérience :
Introduzione alla storia orale. Moroni était en contact très étroit
avec ces historiens, il avait collaboré avec eux pendant les années 1970
au sein de la revue Primo Maggio, une des plus importantes revues
d’histoire du mouvement ouvrier.
L’autre tradition fondamentale,plus directement liée à l’opéraïsme, c’est celle de la « co-recherche » [13].
Mais Montaldi qui n’était pas opéraïste en avait également fait un
instrument de travail. Ces deux éléments, la co-recherche opéraïste et
l’utilisation des sources orales, ont complètement refondé la
méthodologie historique dans les années 60, et Primo Moroni s’appuyait
fortement sur ces deux courants.
NB : Qu’il avait lui-même repris à Fachinelli.
SB : Oui, Fachinelli avait intégré l’instrument de
la co-recherche à sa pratique psychanalytique. Quand il rencontrait des
ouvriers de l’Alfa Romeo, il ne demandait pas à quel groupe politique
ils appartenaient, mais si c’était eux ou leur femme qui cuisinaient à
la maison, quels étaient les rapports avec les enfants, s’ils allaient à
l’école, etc. Il s’intéressait à ce genre de choses pour mettre en
relief des aspects de la subjectivité révolutionnaire et les
contradictions en présence au sein des avant-gardes ouvrières.
Outre le point de vue de la révolte existentielle, la lecture opéraïste
est un autre élément constitutif du livre. La méthodologie de l’analyse
est bien celle de la « composition de classe », l’outil principal de la
lecture opéraïste des mouvements [14].
Mais le livre n’en utilise pas forcément le langage, il énonce plutôt
les formes de subjectivité en acte qui apparaissent pendant ces
années-là. Par exemple, il raconte comment le « proletariato giovanile »
émerge au cours des années 1970, au moment où le système de production
change, avec la naissance de l’usine diffuse. Le sujet ouvrier n’est
plus le même que dans l’usine fordiste et le livre décrit la formation
de cette nouvelle subjectivité qui fait tout éclater. C’est le sujet du
nouveau travail ouvrier diffus qui ne partage plus l’identité ouvrière
traditionnelle, même si l’ouvrier masse que Nanni décrit dans Nous voulons tout avait déjà tout bouleversé par rapport à l’ouvrier qualifié traditionnel du Parti Communiste [15]. Toutes ces figures, présentes dans le récit méthodologique de l’opéraïsme, apparaissent dans le livre.
De la même manière, le livre rend compte de la crise des formes politiques qui deviennent obsolètes en restant étrangères à ces mutations. On comprend alors la naissance du problème de l’organisation, comment les luttes inventaient sans cesse de nouvelles formes d’organisation qui naissaient aussi rapidement qu’elles disparaissaient. Il y a eu une reproduction très rapide des formes organisationnelles jusqu’à ce que – c’était la thèse de Primo Moroni – l’accumulation des défaites finissent par générer une très forte adhésion à l’hypothèse de guerre des organisations dites « de lutte armée ». Moroni disait (c’est peut-être une lecture d’ordre plus psychanalytique) que c’était un besoin d’ordre et de discipline qui s’était exprimé face à ce qui était ressenti comme menant à la désagrégation et à la destruction du sujet. « Entrer en guerre » renvoyait à une discipline paradoxalement rassurante et cela a déterminé l’adhésion à une ligne de conduite ferme et inflexible, complètement à l’opposé des formes de subjectivité qui s’étaient révélées au cours des mutations précédentes. Mais ce sont des questions qui n’ont pas été abordées dans L’orda d’oro, le livre se conclut avec les années 1980 et la défaite de la Fiat [16].
Cela dit, la question de la lutte armée est abordée dans le livre. Même s’il a été écrit dans un moment très difficile, marqué par la peur et la criminalisation, L’orda d’oro analyse la genèse de la lutte armée en Italie, notamment dans sa composante brigadiste - celle qui a eu le plus de poids et de résonance [17]. La lecture qui en est faite n’a d’ailleurs jamais été contestée par les protagonistes ni par la direction historique des Brigades rouges. C’est sans doute lié au fait que dans L’orda d’oro, il n’y a pas de prise de distance avec cette expérience. Elle n’est pas décrite comme quelque chose d’extérieur ou qui se serait constitué en opposition avec le mouvement, mais comme un phénomène qui est né et a mûri à l’intérieur du mouvement ; ce point de vue marque fortement le contenu du livre. En cela, il s’oppose à la thèse soutenue encore aujourd’hui par certaines reconstructions historiques qui voudraient faire de la lutte armée une manœuvre des services secrets ou une déviance étrangère au mouvement. C’est un parti pris qui a conféré une légitimité considérable au livre, d’autant que nous n’étions pas dans une période où il était facile d’affirmer ce genre de choses.
NB : Cela dit, à la différence d’autres reconstructions, la question de la lutte armée n’est pas non plus la question centrale du livre, ni sa fin, elle est une composante de l’ensemble. Le chapitre sur la lutte armée est suivi par un chapitre sur le féminisme...
SB : ...Et dans la seconde édition du livre ont été ajoutés des textes qui parlent de la défaite, de la contre-révolution des années 1980, notamment le texte de Paolo Virno, Do you remember counterrevolution ? [18] et l’appendice de Rossana Rossanda sur la question de l’amnistie pour les « détenus politiques ».
NB : Question irrésolue, dont il faudrait faire état à nouveau pour la traduction du texte.
Journal de traduction de La Horde d’or, n°1
Notes
[1] Le texte de La horde d’or, publié aux éditions de l’éclat, est intégralement disponible en ligne.
[2] Les Invisibles (1987) trad. fr : P.O.L., 1992.
[3] Cf. G. Nicottri, « Quei cattivi maestri », L’Espresso, 2 novembre 1980, où il est question de « ces mauvais maîtres » qui ont égaré toute une génération.
[4] « Pour nous « être de parti » signifiait l’être de manière critique et généreuse, aux côtés des mouvements et au cœur de leur histoire, contre le pouvoir constitué, contre les versions institutionnelles et néo-institutionnelles de l’histoire et toutes leurs falsifications. Notre inconfortable désir d’impartialité était donc lié avant tout à l’intention et au projet de raconter l’histoire de ces conflits, sans privilégier l’une ou l’autre des innombrables facettes tant idéologiques qu’organisationnelles des « mouvements extra-institutionnels » de cette période. » L’orda d’oro, Préface à la seconde édition.
[5] Nanni Balestrini fait partie de ceux qui, le 7 avril 1979, avec d’autres intellectuels de l’Autonomie ouvrière, des universitaires et d’anciens leaders du groupe extra-parlementaire Potere Operaio, sont recherchés sous l’inculpation d’ « association subversive et d’organisation et participation à bande armée » et d’ « insurrection armée contre les pouvoirs de l’État ».
[6] Depuis le milieu des années 1970, la stratégie du « compromis historique » visait à faire entrer le PCI au gouvernement, avec la Démocratie Chrétienne (DC) à laquelle il s’allie officiellement dans un programme de gouvernement ratifié en 1977.
[7] Le sous-titre du livre annonce une périodisation qui s’étend de 1968 à 1977. En réalité, il commence avec les premiers conflits à la Fiat, au début des années 1950 pour se clore au début des années 1980.
[8] « Dans les usines, les ouvriers à très bas salaire et à très haute productivité garantissaient l’application de l’idéologie de la reconstruction qui unissait le programme de la bourgeoisie à celui du Parti Communiste Italien (PCI). L’Italie est sortie de la guerre et du fascisme à travers l’épisode de la Résistance et des Partisans. Une partie des combattants avait pourtant souhaité poursuivre la lutte armée (...), mais cette composante a été écartée du PCI, qui avait opté de son côté pour un pacte constitutionnel avec les industriels, afin de garantir la reprise économique et la productivité, au sein du système des partis (...). On retrouvera à plusieurs reprises, les trente années suivantes, la marque de cette composante politique qui avait donné naissance au groupe armée Volante rossa dans l’immédiat après-guerre. » L’Orda d’oro, « De la résistance à la reconstruction ».
[9] Autoréductions dans les supermarchés, occupations d’universités, luttes contre la précarité, le travail au noir, lutte contre la répression du mouvement, révoltes dans les prisons... L’année 1977 voit se généraliser des conflits menés par une main d’œuvre précaire, mobile, scolarisée, qui conteste notamment la valeur-travail défendue par le mouvement ouvrier classique. Cf. « Des bancs publics à la création des centres sociaux ».
[10] Revue musicale influencée par l’histoire orale, le Canzoniere italiano édite une collection de vinyls et fait réapparaître la tradition du chant populaire menacée de disparition pendant les années du boom économique.
[11] Cf. Elvio Fachinelli, Coups de feu et silence, La horde d’or, p 581
[12] Après une enquête sur l’auto-construction dans les périphéries milanaises auprès des travailleurs immigrés (Milano corea, Feltrinelli, 1960), Montaldi poursuit dans l’Autobiografia della leggera (Torino, Einaudi, 1961) une enquête sur un monde en transition, pris entre tradition paysanne et développement économique, à travers un montage de témoignages recueillis auprès de vagabonds et de petits voleurs de la plaine lombarde.
[13] La co-recherche, sur la base d’une coopération entre chercheurs et ouvriers, fut l’un des outils de l’opéraïsme dans son projet d’analyse du capitalisme italien à partir des luttes et des comportements de la classe ouvrière. Cet usage du témoignage direct devait aussi rappeler, « contre le principe d’une révolution d’en haut, qu’avant d’être l’adhérent d’un parti, l’ouvrier est un être qui vit avant tout dans la production capitaliste et dans l’usine et que c’est dans l’usine que prend forme la révolte contre l’exploitation... » (Montaldi, Bisogna sognare, scritti 1952-1975, Milan, Colibri).
[14] Contre les représentations abstraites de l’expérience ouvrière, l’opéraïsme a cherché à saisir la « composition de classe », c’est-à-dire la transformation à la fois des comportements de la classe ouvrière et des processus de production spécifique dans laquelle elle s’insère autant qu’elle les transforme. Des notions telles que « ouvrier-masse » et « ouvrier social », ont voulu successivement définir une composition de classe, en décrivant le passage du régime fordiste de l’usine à la déqualification progressive du travail, avant l’apparition d’un nouveau type de travailleurs qui ne devait plus se cantonner au seul secteur industriel, en pleine décomposition politique et matérielle. Pour un exemple de cette hérésie du marxisme on pourra lire ce texte : Lutte contre le travail, extrait d’Ouvriers et capital de Mario Tronti.
[15] Nanni Balestrini, Nous voulons tout, Seuil, 1973, réédité par Carobella en 2008, puis par les éditions Entremonde, qui proposent également ce roman au format pdf.
[16] Pendant 35 jours, 15 000 travailleurs bloquent les portes de la Fiat à Turin pour protester contre les différentes réductions d’effectifs (mise au chômage « temporaire » ou licenciement direct pour absentéisme ou « comportement inadapté »). En octobre, sous la pression d’une contre-mobilisation organisée par la direction, les syndicats signent un accord qui met fin à la mobilisation.
[17] Avant de devenir un organisme plus centralisé, les Brigades rouges se constituent d’abord en tant que Collectif Politique Métropolitain, à l’intérieur des usines Sit-Siemens et Pirelli à Milan, avec l’objectif d’étendre les luttes des usines pour intervenir dans « la lutte sociale métropolitaine ».Voir en particulier le chapitre 8 de L’orda d’oro : Des origines possibles de la « tendance armée » p. 365
Hot stuff !!!
Einige Bücher von Nanni Balestrini sind dankenswerterweise von Assoziation A ins deutsche übersetzt und veröffentlicht worden, darunter auch die Goldene Horde.
Erzählte Geschichte
https://www.youtube.com/watch?v=Dq13QPaTJ3E
https://www.youtube.com/watch?v=EIPZ_LvSUfw
https://www.youtube.com/watch?v=tpBqEiln1Oc
https://www.youtube.com/watch?v=EMCKCC56O5s
https://www.youtube.com/watch?v=OZMaaVhjD1k
https://www.youtube.com/watch?v=IVGxRbVixUU
https://www.youtube.com/watch?v=QnQKv8ojOB4
chronik
die bewegung 77 zeichnete sich nicht zuletzt durch eine, davor und danach nie dagewesen pluralität der subjekte aus: von feminist*innen, hausfrauen*, arbeitlosen, jugendlichen, arbeter*innen, student*innen bishin zu knastis und psychatrie gefangenen - resultat von alldem nie dagewesene ablehung des empire, kreativität und militanz.
Für ein Gefühl für die damalige Zeit ist auch die Romantriologie "Die große Revolte" auch von Balestrini zu empfehlen. Außerdem noch "Mit offnene Blick" von renato crucio und seine knast schriften.
alleine in der region mailand sollen 100.000 haushalte keinen strom bezahlt haben, kein gas und/oder die miete boykotiert.
ser fröhlichen Phase der Jugendbewegung sind die «indiani metropolitani»
(Stadtindianer) tonangebend. Kulturelle Veranstaltungen werden gestürmt
und Läden geplündert («spesa proletaria», proletarischer Einkauf).
cher und ihr Häuptling Bifo - fordern Freiräume für die Phantasien der hei-
matlosen Grossstadtkinder.
aber bald auch in Rom findet die Jugendbewegung grossen Zulauf. Man
überfällt Kinos und verlangt gratis Einlass oder plündert die Lebensmittelab-
teilungen der Kaufhäuser, stürmt Kaffeehäuser.
zur grossen Machtprobe bei der Premiere des «Othello» in der Mailänder
Scala. Mehrere Tausend Jugendliche ziehen von verschiedenen Punkten der
Stadt zur Scala, die jedoch von der Polizei abgeriegelt ist (offiziell 4500 Poli-
zistInnen). Als klar wird, dass die Scala nicht zu stürmen ist, kommt es zum
«spesa proletaria»: Verschiedene Luxusgeschäfte in der Innenstadt werden
geplündert.
künftig die Wiederholung eines Universitätsexamen im selben Fach nicht
mehr möglich sei.
schen Universität und erschiesst den linken Studenten Guido Bellachioma.
«Fronte della Gioventù». Auf der Piazza Indipendenza wird der Demonstrati-
onszug von der Polizei mit Schüssen aus Pistolen und Maschinenpistolen
angegriffen. Erstmals machen Demonstranten von der Schusswaffe Ge-
brauch. Zwei Studierende und ein Zivilpolizist tragen schwere Verletzungen
davon.
setzt.
30000 Studierende und Jugendliche aus den Randbezirken der Stadt ziehen
friedlich durch Rom, wobei auch zum bewaffneten Kampf aufgerufen wird.
derum demonstrieren ca. 30000 Studierende, die teilweise von der PCI mit
Bussen aus der umliegenden Provinz nach Rom gefahren werden. Am
Nachmittag findet ein grosses Fest der «indiani metropolitani» auf dem Uni-
Gelände statt. Unter den Anwesenden wird der PCI-Journalist Trombadori
erkannt. Die laufenden Veranstaltungen werden unterbrochen, um Tromba-
dori wegen seiner angeblich falschen und tendenziösen Berichte über die
Bewegung den Prozess zu machen; er hatte in der «Unità» die Bewegung
als «ein paar Dutzend Besetzer» und als «Provokateure» bezeichnet.
setzten Uni eine Rede halten. 3000-4000 mobilisierte GewerkschafterInnen
sollen den nötigen Schutz bieten. Dem Ordnungsdienst von Lama stehen
die Stadtindianer in Kriegsbemalung mit ihren Parolen, Gummi-Streitäxten,
Luftschlangen und Konfetti gegenüber. Als einige wassergefüllte Plastikbeu-
tel nach dem Ordnungsdienst geworfen werden, kommt es zu einer Mas-
senschlägerei. Lama liest seine Rede, ehe er von den StudentInnen aus
dem Uni-Viertel vertrieben wird. Rektor Ruberti lässt am selben Nachmittag
die besetzte Uni räumen und ruft den Belagerungszustand aus.
von Lama, Rektor Ruberti und die Räumung.
26./27. Februar 1 977 An der nationalen Versammlung streikender Studenten nehmen rund 5000
TeilnehmerInnen teil und erzählen über die Erfahrungen aus den verschiedenen
Städten. In den zwei Tagen kommen deutlicher als je zuvor die Differenzen in-
nerhalb der Bewegung zum Ausdruck. Während die traditionalistischen Grup-
pen von der Bewegung immer weiter an den Rand gedrängt werden, kommt
es gleichzeitig zum offenen Konflikt innerhalb der Gruppierungen, die in ihren
Positionen mehr oder weniger die Hochschulrevolte repräsentieren: auf der
einen Seite die organisierten Gruppen der Autonomia Operaia - auf der ande-
ren Seite der sogenannte «kreative Flügel», die Spontis (die «indiani», die
«Maodadaisten» etc.) und die Frauen (die allerdings stets ihre Autonomie als
feminis-tische Bewegung betonen).
Lorusso von einem Carabiniere erschossen. Wie von zahlreichen Augenzeu-
gen bestätigt wird, handelte es sich dabei um eine Exekution. Die Nachricht
verbreitet sich - vor allem über Radio Alice - wie ein Lauffeuer; an der Uni wer-
den Barrikaden errichtet; wenige Stunden später formiert sich ein Demonstra-
tionszug von rund 8000 Personen. In den Prachtstrassen der Innenstadt19
zu einer heissen Barrikadenschlacht; die BesetzerInnen lassen sich nicht ver-
treiben. Gegen Abend bricht eine Gruppe von Autonomen ein Waffengeschäft
in der Nähe der Uni auf und schleppt einige Dutzend Gewehre und Pistolen
ab. Die Spannung in der Stadt ist inzwischen so gestiegen, dass sich kaum
noch jemand auf die Strasse wagt. Innenminister Cossiga droht, über Bologna
den Ausnahmezustand zu verhängen. Rom: Nationale Demonstration, an der
mehr als 50000 Personen teilnehmen: gegen die technokratische Hochschul-
reform, gegen die Opfer-Politik der grossen Koalition DC-PCI. Die Ermordung
Francesco Lorussos am Vortag in Bologna treibt das Klima auf den Siede-
punkt. Die Gruppen der Autonomia praktizieren das von ihnen propagierte
«neue Niveau der Auseinandersetzung», die bewaffnete Aktion. Das DC-Büro,
Polizeikasernen, Büros von FaschistInnen werden angegriffen, Enteignungsak-
tionen durchgeführt, zwei Waffengeschäfte ausgeraubt. Viele der Demonstrati-
onsteilnehmerInnen fühlen sich durch diese Art von Militanz überrumpelt und
instrumentalisiert; dies umso mehr, als der Grossteil der Masse dem militäri-
schen Auftreten der Polizei und deren Racheaktionen nach Ende der Demons-
tration relativ unvorbereitet und hilflos gegenübersteht.
tInnen und Cara-binieri rücken im Morgengrauen mit Panzerwagen an, ver-
sperren sämtliche Zufahrtswege, durchsuchen alles, aber finden niemanden.
In der Innenstadt wird jede Menschenansammlung sofort von der Polizei
auseinandergetrieben. Bologna ist praktisch eine militärisch besetzte Stadt.
Demonstration geplante Trauerzug wird vom Polizeipräfekten nur auf den
letzten 300 Metern vor dem Friedhof erlaubt.
voltierenden DissidentInnen aufmarschieren. Unter der Parole «Nein zur Ge-
walt» werden auf gemeinsame Initiative aller staatstragenden Parteien
200000 Leute auf der Piazza Maggiore zusammengetrommelt.
gehen Schaufensterscheiben der Banken zu Bruch, Luxusgeschäfte werden
durch Molotow-Cocktails in Brand gesetzt, da und dort wird eine «spesa pro-
letaria» gemacht. Bei den Konfrontationen verteidigen sich einige Demonstran-
ten mit Schusswaffen. In einer Versammlung am späten Abend sind sich
praktisch alle darüber einig, dass die von der Bewegung praktizierte Militanz
die angemessene Antwort auf die Provokation der Polizei war. Die PCI hatte
sich darauf beschränkt, das brutale Vorgehen der Polizei zu kritisieren, den Tod
des Studenten zu bedauern und zu fordern, dass die Verantwortlichen zur Re-
chenschaft gezogen werden. Gleichzeitig verurteilte sie die «Provokation» der
Linksradikalen. In der Nacht werden zahlreiche Verhaftungen und Hausdurch-
suchungen vorgenommen.20
«subversiver Vereinigung» und anderer politischer Straftaten. Es beginnt da-
mit die Repressionskampagne, die die Revolte als «Komplott gegen den de-
mokratischen Staat» zu kriminalisieren versucht, als eine von langer Hand
vorbereitete, konspirativ organisierte, von ausländischen TerroristInnen
und/oder GeheimagentInnen unterstützte und von der linken Basispresse
publizistisch angeheizte Verschwörung. Bifo selbst gelingt es, sich der Ver-
haftung zu entziehen.
Wieder-Besetzung einiger Fakultäten beschlossen und umgesetzt. Zwei
Stunden später rückt die vom Rektor gerufene Polizei mit Panzerwagen an
und räumt das gesamte Uni-Viertel. Strassenschlachten. Als einige Polizis-
ten beginnen, scharf zu schiessen, schiesst der harte Kern der Autonomi
zurück. Während der Ausschreitungen wird der Polizeischüler Settimio Pas-
samonti erschossen, ein anderer Polizist durch Kopfschuss schwer verletzt.
Unterstützung der laufenden Kampagne wollen die die Kampagne tragen-
den Gruppen eine Kundgebung auf der Piazza Navona abhalten. Bereits vor
Beginn der Veranstaltung schreitet die Polizei ein, indem sie den ganzen
Platz abriegelt und die VeranstalterInnen mit Knüppeln traktiert: Während
der folgenden Strassenschlachten setzt die Polizei Schusswaffen ein. Alle
staatstragenden Parteien, einschliesslich der PCI, stellen sich hinter den Po-
lizeieinsatz.
und gegen die Verhaftung der Mailänder Anwälte Spazzali und Cappelli,
greift eine Gruppe bewaffneter Jugendlicher die Polizei an. Bei dem Gefecht
wird ein Polizist durch einen Pistolenschuss getötet. Der Vorfall löst inner-
halb der Mailänder Linken wütende Reaktionen aus. Mitglieder der MLS be-
treiben nach Bekanntwerden der Nachricht eine regelrechte Jagd auf
Genossen der Autonomia Operaia, von denen einige krankenhausreif ge-
schlagen werden. Die Gruppen der Autonomia Operaia distanzieren sich
von der Aktion.
auch der grosse PCI-Sieg ohne politische Folgen bleibt, weichen die Hoff-
nungen der Enttäuschung, v.a. über die sich den Christdemokraten immer
mehr anbiedernden KommunistInnen. In der Folge kommt es zu einer Eska-
lation der Gewalt sowohl von Seiten des Staates, als auch zunehmend von-
seiten der militanten Bewegung. Das Fazit des Jahres 1 977: 21 28 Attentate,
zehn Tote, 45 Verletzte. Die militanten Autonomia-SympathisantInnen werden auf 1 00.000 geschätzt.