Après le suicide d’Édouard sur son lieu de travail, la gare Saint Lazare, les salariés en poste de la SNCF et d’ailleurs, des chômeurs et précaires, parfois étudiants, étaient nombreux à se rassembler ce mercredi 15 mars. Le geste ultime de ce syndicaliste met à nouveau en lumière la violence de la restructuration capitaliste, et la nécessité de s’y opposer.
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Voici le texte de l’intervention qui a conclu les prises de parole lors de ce rassemblement. Les manifestants se sont ensuite rendus dans la gare pour rendre hommage à Édouard.
Comme d’autres j’ai connu Édouard alors qu’il était encore au COE (centre opérationnel d’escale) en tant que ROSEG (Responsable Opérationnel Services en Gare). Comme d’autres j’ai pu voir sa détermination à ne pas laisser l’inadmissible se produire, à ne pas laisser la direction imposer sa loi, je l’ai vu tenir tête et encourager les autres à en faire autant. Et comme tout le monde j’ai vu cette direction chercher à l’isoler, à l’éloigner, à le briser.
Mais Édouard ne baissait pas la tête. Lorsqu’il a été placardisé il n’a pas baissé les bras. Il a mené cette affaire en justice, jusqu’à faire condamner la direction. Mais surtout il a continué de mener son combat, notre combat, au travail, au quotidien, avec les collègues. Pour dénoncer les contournements à la réglementation, les réorganisations… Et il le faisait avec d’autant plus de cœur qu’il savait combien la politique de la direction était nocive pour ses collègues !
Il y a en effet beaucoup à dire ! En l’espace de 20 ans combien de milliers de postes ont été supprimés. Combien de missions en plus avons-nous eu à assumer pour que l’entreprise continue à tourner malgré tout ! Dernière restructuration en date, les petits collectifs, maintenant rebaptisé Excellence Opérationnelle, alors qu’elle portait bien mieux sa première appellation. D’abord petit, avant effectif. Des coupes partout dans les effectifs de réserve pour faire assurer tous les postes par les mêmes agents [1] . Et pour la première fois la direction est allé jusqu’à chercher ses économies directement sur nos salaires, en faisant sauter ici l’indemnité de réserve ou là l’indemnité d’horaires de nuit.
Partout la pression du sous-effectif organisé pèse : sur nos congés, sur les arrêts maladies pourchassés, les absences irrégulières dégoupillées au moindre prétexte, sur les mutations qui sont soit gelées, soit barrées par des Bilan de Mobilité ou l’arbitraire de la direction a tout le loisir de s’exprimer.
Et pour que tout ça tienne la direction a mis en place un climat d’intimidation. Des pressions quotidiennes pour faire accepter les conditions chaotiques dans lesquelles nous travaillons, que chaque réorganisation vient encore aggraver. Les entretiens formalisés, les 701 [2], les menaces, … Pour que ceux qui lui tiennent tête n’inspirent pas leurs collègues elle mène une cabale. Il y a Édouard, mais combien d’autres militants, délégué ou non, se voient poursuivis, fliqués sanctionnés voire même menacés de radiation !
Pour certains c’est le bâton, pour d’autre c’est le chantage ! Quelques qualif C ou D qu’elle sort par exemple de sa poche [3], en espérant que ça puisse faire accepter son projet des petits collectifs. Ce n’est même pas une carotte, c’est à peine des cacahuètes. Les quelques dizaines d’euros qu’elle cède ne valent pas les emmerdes qu’elle demande en échange. Parce que sa politique est invivable pour ceux qui ont à la mettre en œuvre, ces collègues qu’elle propulse du jour au lendemain chef d’équipe, avec en charge d’assumer à sa place sa politique face aux collègues.
C’est aussi cela que dénonçait Édouard lorsqu’il refusait d’assumer au COE, les missions de « management ».
Si aujourd’hui nous sommes venus, c’est la peine au cœur mais aussi la rage au ventre. Cette direction ne devra pas rester impunie. Bien sûr il y aura la justice. Les enquêtes des CHS-CT, les nombreux témoignages qui déjà remontent de tous les chantiers.
Mais pour que cette direction ne nous trouve pas d’autres DET (directeur d’établissement [4] pour mener la même politique d’agression, la même politique d’attaques, il nous faudra aussi répondre avec nos armes, notre force collective. Parce que oui, collectivement nous pouvons les faire reculer. Leur faire ravaler le mépris qu’ils cherchent à afficher en toute circonstance. Nous pouvons leur faire remballer leurs liasses de 701, leurs sanctions, leurs conseils de discipline mais aussi leurs réorganisations… Et puis leur faire cracher les centaines d’embauches qu’il nous manque pour en finir avec le sous-effectif chronique qui règne sur tous les chantiers ! Et pour leur faire sortir le chéquier, que la direction rende ce qu’elle nous vole chaque mois !
L’acharnement de la direction a poussé à bout notre camarade Édouard, jusqu’au plus dramatique des actes de désespoir. À force de manœuvre, de manipulation, de fausses accusations et surtout à force de chercher à l’isoler.
Aujourd’hui nous sommes venu dire que pas un cheminot n’est et ne sera isolé face à cette direction.
Et puisque ces drames se produisent partout où les directions mettent en place les mêmes recettes de sous-effectifs et d’intimidations, à Renault, à la Poste ou dans les hôpitaux, disons même franchement que pas un travailleur, de quelque secteur qu’il soit, n’est et ne sera isolé !
Face à une direction qui voudrait nous faire penser qu’elle ne reculera devant rien, aux pressions de la SNCF pour faire tenir la cocotte, nous répondons que nous nous donnons un programme : discuter ensemble, tous services confondus, avec toutes les autres gares, nous organiser, pour enfin faire péter le couvercle !
Depuis 4 ans déjà, la SNCF avait "privé de poste" Édouard, à l’instar d’un chômeur.
On pourra lire pour mémoire : Le management tue !, et se souvenir aussi de Djamal Chaar qui s’était immolé par le feu devant un Pôle emploi Nantais le 13 février 2013.
[1] Intensification du travail, polyvalence imposée, heures supplémentaires jusqu’à plus soif, "pour faire tourner le service", tout cela n’est pas sans faire penser aux conditions actuelles de travail dans bien des boites, en particulier dans le secteur de la santé, où, après Orange, Pôle emploi et d’autres, les suicides de salarié.e.s sur leur lieu de travail se multiplient.
[2] Un 701 est une demande d’explication écrite (DE) de l’encadrement, à remplir dans les 6 jours. Un 701 implique l’ouverture d’une procédure disciplinaire qui peut se traduire par un avertissement, un blâme, une mise à pied, un licenciement, une révocation.... Comme l’explique un salarié, "dès qu’il aura reçu votre réponse, votre petit chef adressera (sur un formulaire adéquat) à son supérieur hiérarchique un rapport (et il ne se privera pas d’inscrire plein de chose qui n’ont rien à voir avec l’événement comme votre conduite, votre comportement, votre tenue, votre caractère...) en préconisant un niveau de sanction et de chef en chef le niveau de la sanction peut monter...". Portée au dossier du salarié, cette demande d’explication écrite sera ensuite utilisée lors d’un éventuel conseil de discipline (par exemple pour faute grave).
[3] Passer à la qualification C ou D se traduit par une hausse de salaire. L’obtention de ces qualifications se fait au choix, ou sur examen, ou par le biais de formations qui sont accessible au bon vouloir du "Dirigeant de Proximité"(sic), selon l’appellation donnée par la SNCF au prit chef.
[4] Un établissement est pour la SNCF une sous-entité, comparable à une PME, qui regroupe des "collaborateurs" par métiers, zones géographiques ou lieux de travail. Un DET "assure le pilotage d’un établissement et de sa production. Il anime pour cela des dirigeants d’unité opérationnelle (DUO) et des chefs d’unité de production (CUP), ainsi que des pôles d’appui (RH, gestion/finance...)." (cf. Sncf)
Gestern...
...haben an die 2000 Menschen an einer Kundgebung vor dem Bahnhof Saint Lazare teilgenommen, um an Edouard zu erinnern und die Methoden der Leitung des staatlichen Eisenbahngesellschaft anzuprangern. Anwesend waren Kolleg*innen verschiedener Gewerkschaften, sowie Leute aus den sozialen Bewegungen. Anschliessend legten sie Blumen an den Gleisen nieder.