A propos des élections présidentielles…

Eviter le pire ?

Les élections au suffrage universel sont selon la théorie un des éléments distinguant démocraties et dictatures et constituent ainsi un moment décisif dans la vie politique. Une fois tous les cinq ans (pour les élections présidentielles), l’opinion politique des citoyen(ne)s n’est pas seulement autorisée mais explicitement demandée. Dans leur vie de tous les jours, les citoyen(ne)s ressentent du mécontentement à des occasions diverses et régulières. Le jour des élections ils sont appelés à exprimer leur mécontentement ainsi que leurs espoirs pour l’avenir à travers un bulletin de vote.

 

La relation électeur/candidat

 

Pendant la campagne, les candidats parlent aux électeurs dans le but de les convaincre qu’en tant que Président ils s’occuperont – mieux que les autres candidat(e)s – du redressement du pays et du bien-être de ses habitants. Le mécontentement, les soucis et les visions de ces derniers sont le fondement sur lequel les candidats érigent leurs programmes qui sont censés convaincre les électeurs. Cette configuration révèle que ce ne sont pas les citoyen(ne)s eux-mêmes qui ont les compétences de s’occuper de leur mécontentement politique et de leur misère matérielle : en bref de leurs conditions de vie. Ces compétences-là incombent au pouvoir politique. Les citoyen(ne)s doivent attendre ses actions afin que les problèmes soient réglés et jouent ainsi un rôle passif et d’administré dans cette configuration. L’acte du vote consiste donc dans la délégation de requêtes à des candidats qui promettent de s’en charger. Voter c’est vouloir être gouverné.

Par ailleurs, le vote en tant que volonté citoyenne est assez creux car il ne comprend que le nom d’un candidat. Le vote fait abstraction des raisons individuelles pour un candidat qui n’ont aucune importance. Le plus important c’est de pouvoir agréger les voix afin d’en obtenir un vainqueur. La question de savoir quel candidat dispose des compétences afin d’exercer la fonction de Président met de côté toute question de savoir ce que cette fonction implique. Dans sa recherche d’un personnage compétent et capable de s’imposer – bref un leader – l’électeur se définit lui-même en tant que sujet et administré.

 

La dimension étatique

 

Mais les candidats ne se présentent pas simplement pour faire valoir les intérêts de leur électorat. Ils veulent devenir Président, c’est-à-dire le plus haut représentant de la Nation. C’est donc avant tout au succès de la Nation que chaque candidat s’engage.

Le succès de la Nation est la condition essentielle de toute revendication particulière. Le bien-être des citoyen(ne)s dépend du succès de la Nation et c’est dans le cadre de cette circonstance-là que les candidats leur parlent. Le fait que le bien-être des citoyen(ne)s est subsumé sous le succès de la Nation a pour conséquence que les citoyens doivent reconnaître celui-ci comme la condition de leur succès personnel. Par contre cela ne signifie pas que le succès de la Nation et le bien-être des citoyen(ne)s sont identiques : le succès d’une nation s’exprime notamment dans sa puissance économique et financière. Le bien-être des citoyens dépend de leur salaire qui est le facteur négatif de la croissance économique. Les postes de travail des citoyens en tant que salariés n’existent qu’à conditions qu’ils soient rentables pour les employeurs, ce qui inclut la possibilité du durcissement des conditions de travail ainsi que des salaires qui ne permettent pas de vivre décemment. Il serait donc faux de s’identifier avec le succès de la Nation qui est certes la condition du bien-être personnel mais pas son équivalent ou sa garantie. De plus la capacité d’un Etat à mettre en œuvre des politiques publiques repose sur la croissance économique qui génère des recettes fiscales. La réalisation de bonnes mesures visant à améliorer la vie des gens dépend donc d’une activité économique qui est elle-même source de dommages pour les salariés.

Les élections mettent à dispositions les représentants de l’Etat. En plus de cela, en votant, on donne l’approbation de tout ce qui n’est pas à disposition : les fonctions mêmes qui doivent être remplies, l’Etat, la Nation, l’autorité, l’économie de marché, le régime de la propriété. De cette manière la démocratie rend le mécontentement des citoyens – qui est le résultat de l’activité gouvernementale – utile pour un nouveau mandat.

 

Le nouvel espoir de la Gauche : JLM

 

Le principe de tout pouvoir consiste dans l’existence d’une violence qui impose aux gens ce que ceux-ci n’ont pas choisi. Le nouveau porteur d’espoir de la Gauche, Jean-Luc Mélenchon, prend fait et cause pour que « le peuple souverain  [définisse] lui-même ses règles de fonctionnement politique » (L’avenir en commun, le programme de la France insoumise et son candidat JL Mélenchon, p. 14) dans le cadre de la « VIe République ». L’idée c’est que la violence étatique qui s’impose aux citoyens soit remplacée par une « démocratie véritable » c’est-à-dire l’autogouvernement du peuple. Mais ce dernier ne constitue pas un corps politique unitaire, au contraire, il est caractérisé par des contradictions (il ne s’agit pas ici de différences comme la religion, l’opinion, les goûts esthétiques etc. mais bien de contradictions). Au sein d’un peuple, les gens se retrouvent constamment en concurrence les uns avec les autres. Le seul point commun qui existe entre eux c’est le fait qu’ils sont tous sujet à la même autorité. L’idée que le peuple définisse lui-même ses règles de fonctionnement politique implique l’existence de contradictions au sein de ce peuple. Les contradictions ne seront par conséquent pas abolies.

Nul doute que  Jean-Luc Mélenchon présente un programme social et écologique ambitieux mais le nom de son nouveau mouvement (la France insoumise) montre d’autant plus ce qui est au centre de ses préoccupations.

 

Eviter le pire ?

 

Nombre de personnes ne vote pas parce qu’elles sont convaincues du programme d’un candidat. Elles n’attendent plus grande chose de la politique gouvernementale et votent pour « le moindre mal » afin d’ « éviter le pire ». Certain(e)s candidat(e)s qui ont été élu(e)s de cette manière n’ont-ils eux-mêmes pas dépassés les appréhensions les plus graves ? Pourquoi prendre parti pour une version du mal, se faire avocat d’une alternative qui est toujours perçue comme mauvaise ?