Il y aurait des élections présidentielles…
On nous dit que notre sort pour les 5 prochaines années va se régler sur deux week-end de la fin avril et du début mai 2017. Depuis la rentrée de septembre 2016, l’échéance prochaine des élections accapare à peu près toutes les énergies sur la scène politique française, asphyxiant presque toute autre forme d’organisation et de lutte. On nous refait le coup : « une chance de rebattre les cartes », « de changer la donne ». Mais cette fois, le FN a réussi à s’imposer comme l’acteur principal, et c’est un spectacle particulièrement pitoyable et ridicule que nous infligent tous ces candidats qui miment le sérieux et s’agitent d’autant plus vigoureusement que leur crédibilité est sur le point de s’effondrer. Il est plus que jamais visible que les légères nuances entre leurs différentes idéologies sont au fond bien dérisoires et qu’aucun de leurs programmes ne peut plus prétendre changer en mieux quoi que ce soit, même de minime, au cours infernal des choses.
Après 5 ans de gouvernement, les tentatives d’expulsion ratées de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, les meurtres d’Amine Bentounsi, de Rémi Fraisse, d’Adama Traoré et d’autres, le viol dit « accidentel » de Théo ; après l’état d’urgence éternel, les perquisitions et les assignations à résidence, après l’imposition forcée de la loi “Travaille !”, le PS a montré une fois de plus que la social-démocratie jouera toujours la carte de la répression face à tout ce qui remet en cause l’ordre actuel des choses. Et ce n’est pas une remise à jour de la technocratie « ni gauche ni droite » à la Macron qui bouleversera cette vérité historique.
De son côté, la “vraie gauche” s’obstine à ne pas voir que l’exemple
de Syriza en Grèce démontre que toute tentative d’application d’un
programme de lutte contre l’austérité généralisée est condamnée à
l’échec lorsqu’elle se ne s’appuie pas sur des mouvements sociaux forts.
De plus, en se fourvoyant dans d’obscures alliances avec la Russie de
Poutine, il semble que celui qui a voulu récupérer le mouvement
« dégagiste » ait simplement oublié de dégager lui-même.
Le Front National offre quant à lui son éternelle réponse autoritaire à
l’angoisse largement partagée que suscite la crise économique et
politique. C’est le parti de l’ordre brutal de l’État, de la
toute-puissance de la police, du racisme et de la xénophobie, de la
défense des valeurs traditionnelles d’une France réactionnaire et de la
sauvegarde de la patrie en danger. Mais si le FN s’est tant renforcé ces
dernières années, c’est d’abord parce que tout le champ politique s’est
déplacé vers ses thématiques, jouant la carte de la sécurité avant
tout, sans plus chercher à construire de perspectives d’émancipation et
de solidarité. Ceux qui appellent maintenant avec impuissance à
s’opposer à lui dans une sorte de front républicain et démocratique sont
ceux-là même qui ont préparé le terrain pour sa venue au pouvoir. Ce
sont les mêmes qui sont plus prompts à accuser les émeutier-e-s
révolté-e-s après le viol de Théo de “faire monter le FN” qu’à combattre
le FN là où il est déjà : dans les rangs d’une police raciste qui tue
et viole en toute impunité.
Pourtant, si le constat de la montée en puissance du FN et la
perspective de son accès au pouvoir nous révulsent, nous refusons le
chantage qui consiste à voir dans les autres candidats un quelconque
espoir : le champ de la politique classique est en crise, et rien de ce
qui pourra en sortir n’aura jamais plus le goût de la victoire. Dans un
contexte d’état d’urgence où la police tend à devenir une force
autonome, une milice dont les crimes racistes se multiplient, où les
manifestations sont interdites et les mouvements sociaux réprimés comme
jamais, la mascarade des élections présidentielles est une étape
importante dans la tentative de refermer la possibilité révolutionnaire
que la situation appelle de toutes parts. En nous donnant l’illusion de
pouvoir décider, il s’agit finalement de circonscrire toute action
politique dans l’impuissance d’un geste individuel et sporadique,
incapable de remettre en cause un système morbide à la reproduction
duquel il participe.
Qu’il soit bien clair que la question des « consignes de vote » n’est
pas la nôtre, pas plus que celle d’un appel à l’abstention. Nous
préférons nous appuyer sur les mouvements de lutte et de résistance qui
se sont construits ces dernières années.
Nous pensons plutôt qu’il est grand temps de reprendre l’offensive, et de nous organiser pour devenir réellement ingouvernables. Nous considérons l’acte du vote comme individuel, et individualisant : nous le dénonçons lorsqu’il vient concurrencer et refermer cette réinvention de la politique au quotidien et les perspectives qu’elle porte en germe. Loin de nous en contenter, nous préférons prolonger ces expériences, en ce qu’elles nous permettent d’entrevoir ce qui seul pourrait venir mettre un terme à la domination capitaliste, au racisme et au patriarcat : une révolution sociale, populaire, portée par la base et où chacun-e serait amené-e à reprendre en main sa vie et la politique.
À Rennes, une force politique nouvelle et autonome s’est affirmée au travers d’assemblées ouvertes et populaires, où l’auto-organisation comme perspective et comme moyen a permis de s’opposer vigoureusement à la loi “Travaille !” et aux menaces d’expulsion de la ZAD, aussi bien que de manifester en soutien aux migrant-e-s ou contre les violences policières à l’encontre des quartiers populaires et des mouvements sociaux.
Son atout réside d’abord dans son fourmillement et sa diversité : en
associant syndicalistes, chômeur-euse-s, précaires, ou étudiant-e-s,
elle multiplie les moyens d’actions comme les possibilités d’être
rejointe. Que ce soit par les occupations de l’université, de places ou à
la Maison du Peuple, la création d’une radio pirate capable de diffuser
les énoncés du mouvement sur toute la ville, les cantines populaires
qui viennent nourrir les grévistes et les manifestant-e-s, les
médic-teams et les groupes anti-répression qui, avec le cortège de tête,
ont rendu possible de tenir la rue face à la police et de multiplier
les blocages, ou encore les assemblées massives et ouvertes qui ont
permis au plus grand nombre de se réapproprier la pensée stratégique de
la situation en portant des discours politiques forts contre la
dissociation, la récupération politique et sur la nécessité d’une
auto-défense populaire.
La reprise en main de la politique par la base, ici et maintenant, a
réussi à construire des mouvements puissants et créatifs tout en
réinventant de nouvelles façons d’habiter la ville, de décider ensemble,
de transformer le quotidien et de prendre soin les un-e-s des autres.
Nous avons encore en mémoire la transformation de la ville par le
mouvement. Sur la place Sainte-Anne, à proximité de la Maison du Peuple,
tags et banderoles ont fleuri, tandis que les rues étaient remplies de
camarades. La ville avait cessé de fonctionner uniquement comme espace
sécuritaire et marchand : les patrouilles de police se sont faites pour
un temps plus discrètes, les commerçants réactionnaires tremblaient, les
banques étaient fermées et les caméras de vidéo-surveillance
hors-service. Et malgré la répression féroce à laquelle nous avons dû
faire face, à ce moment-là, la perspective concrète d’un autre usage du
monde et de la ville nous est apparue.
Comme partout en France, nous appelons à ce que se retrouvent et
s’organisent sur Rennes toutes celles et ceux qui ne se satisfont plus
de ce système et voient dans la séquence à venir une opportunité
d’affirmation/construction révolutionnaire. Organisons-nous dès à
présent pour réaffirmer la possibilité d’une pratique politique autre,
et nous préparer à faire exister, dès le soir du premier tour des
élections présidentielles, des espaces de construction politique larges
et offensifs. Nous appelons à la multiplication de l’agitation et des
initiatives rebelles dans tous les secteurs de la société, à la
composition et à la réflexion. De nombreuses luttes et grèves ont lieu
en ce moment : nous appelons leurs acteurs et actrices à se retrouver et
à se coordonner pour les faire entrer en résonance. Au pouvoir
centralisé d’un État fondamentalement anti-social, autoritaire et
raciste, nous opposons la brûlante actualité d’une histoire oubliée,
celle qui parle d’autogestion, de révolution, de conseils ouvriers et de
communes, et que l’on a vu se réactiver lors des révolutions arabes et
des occupations de place en Grèce, en Espagne ou en Ukraine. Nous
devinons là les processus seuls à même de destituer le pouvoir en lui
ôtant toute prise sur nos vies.
Nous relayons ici quelques dates qui ont déjà été proposées par divers collectifs. À toutes celles et tous ceux qui croient qu’il est encore possible de changer les choses par l’auto-organisation de se les réapproprier et d’en proposer de nouvelles. Nous pensons que chacune de ces journées ne sera pas séparée des autres, et qu’elles doivent être reprises comme la construction progressive et intelligente d’une nouvelle séquence de lutte à même d’opposer à la catastrophe des présidentielles un nouvel horizon révolutionnaire.
- 28,29,30 mars, conférences à l’université sur les expériences de vacance du pouvoir
- 1er avril, 13h aux prairies St-Martin : banquet des ingouvernables, suivi d’une Assemblée des luttes rennaises et d’une déambulation en ville
- 22 avril, 1er tour social dans la rue, à l’appel de syndicalistes
- 23 avril, RDV dans la rue pour les résultats
- 1er mai, manifestation suivie d’un grand banquet révolutionnaire
- 7 mai, RDV dans la rue pour les résultats
Plus d’informations sur ces événements seront disponibles sur les réseaux sociaux et sur le site expansive.info.
Préparons-nous à faire de leurs déroutes nos victoires. Soyons ingouvernables !
expansives info, le 22 mars 2017