En défense du véganisme contre Lutte Ouvrière, en tant que besoin de communisme

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La libération en 1985 aux Etats-Unis de Britches, un Macaque à face rouge arraché à sa mère à sa naissance et dont on avait immédiatement agrafé les paupières pour une « expérience » de déprivation sensorielle, relève de manière explicite de la lutte des classes.

 

Ce fut un acte révolutionnaire, dans la mesure où cela s'opposa dans les faits à l'oppression menée par les réactionnaires à une échelle industrielle. L'expérimentation sur les animaux est une aberration pour toute personne progressiste, qui ne doit pas se contenter de la dénoncer, mais concrètement boycotter tous les produits qui lui sont liés.

 

Tel est le principe du primat de la pratique, ce que nous appelons la dignité du réel.

 

Et, en raison de cette question de dignité du réel, Lutte Ouvrière a fondamentalement tort pour avoir, dans son organe théorique « Lutte Ouvrière », publié un article à charge contre le véganisme.

 

Au XXIe siècle, il n'est pas possible de publier un article comme, « Végétarisme, véganisme et antispécisme : à propos de la considération humaine pour la souffrance animale », de type dénonciateur, voire calomniateur, attaquant la compassion pour les animaux.

 

La position de Lutte Ouvrière est très simple et logique de son point de vue : la sensibilité serait le produit de l'Humanité en tant qu'espèce animale supérieure et par conséquent la préoccupation pour les animaux serait un luxe secondaire.

 

Lutte Ouvrière oppose la compassion ou l'empathie envers les animaux avec la lutte des classes, en présentant le véganisme comme une simple « préoccupation » qui serait uniquement issu de la capacité de l'Humanité à « la pensée abstraite la plus élaborée, socle de tout notre développement social ».

 

Cette pensée abstraite ne pouvant être qu'humaine, elle doit se tourner avant tout vers les humains.

 

Ce point de vue est erroné pour trois raisons :

 

a) tout d'abord, il rattache la sensibilité à la pensée au lieu de la rattacher à la matière, c'est la principale accusation qui doit être faite ici, au nom du matérialisme dialectique ;

 

b) il part du principe que le choix des forces productives serait neutre en soi, indépendant du mode de production, ce qui est une négation des questions culturelles, de la notion de progrès ;

 

c) il ramène le véganisme à une lubie petite-bourgeoise s'opposant à la lutte des classes, ce qui est illusoire et une incompréhension de la contradiction entre villes et campagnes.

 

Si la question se pose de savoir dans quelle mesure historiquement le véganisme forme un des aspects principaux ou un des aspects secondaires de l'évolution historique de l'Humanité, il est profondément erroné déjà de dire, comme le fait Lutte Ouvrière, que le véganisme toucherait « essentiellement une partie de la petite bourgeoisie et ayant également un écho parmi les jeunes ».

 

C'est là confondre le véganisme comme aspect de la lutte des classes et sa tentative de récupération historique par des éléments grands-bourgeois. C'est là ne pas comprendre que le véganisme est le produit historique inévitable de la contradiction entre villes et campagnes.

 

Non seulement le véganisme est né en Angleterre dans les années 1970 et dans les années 1980 comme fruit de la lutte des classes, en opposition avec la vie quotidienne réactionnaire imposée par les classes dominantes, contre l'expérimentation sur les animaux, la chasse à cour…

 

Mais qui plus est il existe aujourd'hui comme démarche mondiale, dans l'ensemble des pays du monde, ne se cantonnant nullement comme le prétend Lutte Ouvrière à la petite-bourgeoisie des « pays riches ».

 

Lutte Ouvrière se contente de porter son attention sur la mode des centres urbains, au lieu de voir comment le véganisme est au contraire porté dans son ossature par des éléments du peuple, avec en très grande majorité des femmes.

 

Le Front de Libération Animale est également la structure internationale qui a le plus mené d'actions illégales historiquement : on est ici très loin d'une approche petite-bourgeoise, confortable et opportuniste, de la vie quotidienne et de la réalité sociale.

 

Jamais le petit-bourgeois, même conscient de la réalité de la vivisection par exemple, n'assumera l'illégalité, l'action clandestine, la prise de risque pouvant le mener à la prison pour une longue période.

 

Bien au contraire, il cherchera à exprimer un point de vue réformiste, acceptable dans le cadre du capitalisme, comme le fait l'association L214 mentionnée par Lutte Ouvrière par ailleurs.

 

Seule la classe ouvrière peut porter la dignité du réel, en raison de son rapport au travail. Les masses populaires liées à la classe ouvrière sont capables de franchir ce cap.

 

Ce qui amène à la question de la sensibilité, justement.

 

C'est là l'aspect central selon nous : par son rejet du véganisme, Lutte Ouvrière exprime une méconnaissance fondamentale des principes du matérialisme, a fortiori du matérialisme dialectique.

 

Comprendre le véganisme implique pourtant de saisir ce qu'est la matière, y compris la matière vivante, dans ce qu'elle est en mouvement, dans le cadre de l'univers éternel et infini.

 

Il ne s'agit pas simplement de voir les erreurs factuelles de Lutte Ouvrière, qui prétend qu'on ne peut pas se passer de l'élevage, car aujourd'hui encore des milliards de gens ne mangent pas à leur faim.

 

Cette affirmation est absurde et étonnante même, dans la mesure où il est bien connu que a la production des protéines animales exigent une utilisation massive de protéines végétales. Même Jean-Luc Mélenchon explique cela régulièrement, afin d'essayer de paraître écologiste.

 

 

 

Il s'agit surtout de voir ce qu'est la matière, y compris la matière vivante.

 

Pour Lutte Ouvrière, la sensibilité serait le produit de l'Humanité en tant qu'espèce animale supérieure et par conséquent la préoccupation pour les animaux serait un luxe secondaire.

 

C'est là nier à la matière la sensibilité, c'est là en contradiction formelle avec le matérialisme dialectique. Nous rappelons ce long passage écrit par Denis Diderot dans Le rêve de d'Alembert et mis en avant par Lénine dans Matérialisme-empiriocriticisme.

 

Il y est souligné que c'est la matière elle-même qui porte la sensibilité, justement dans son développement dialectique.

 

« À votre avis, qu'est-ce autre chose qu'un pinson, un rossignol, un musicien, un homme ?

 

Et quelle autre différence trouvez-vous entre le serin et la serinette [petit orgue mécanique reproduisant des bruits d'oiseaux] ?

 

Voyez-vous cet œuf ? C'est avec cela qu'on renverse toutes les écoles de théologie et tous les temples de la terre. Qu'est-ce que cet œuf ? Une masse insensible avant que le germe y soit introduit ; et après que le germe y est introduit, qu'est-ce encore ? Une masse insensible, car ce germe n'est lui-même qu'un fluide inerte et grossier.

 

 

Comment cette masse passera-t-elle à une autre organisation, à la sensibilité, à la vie ? Qu'y produira la chaleur le mouvement ? Quels seront les effets successifs du mouvement ? Au lieu de me répondre, asseyez-vous, et suivons-les de l'œil de moment en moment. 

 

D'abord c'est un point qui oscille, un filet qui s'étend et qui se colore ; de la chair qui se forme ; un bec, des bouts d'ailes, des yeux, des pattes qui paraissent ; une matière jaunâtre qui se dévide et produit des intestins ; c'est un animal.

 

Cet animal se meut, s'agite, crie ; j'entends ses cris à travers la coque ; il se couvre de duvet ; il voit. La pesanteur de sa tête, qui oscille, porte sans cesse son bec contre la paroi intérieure de sa prison ; la voilà brisée ; il en sort, il marche, il vole, il s'irrite, il fuit, il approche, il se plaint, il souffre, il aime, il désire, il jouit ; il a toutes vos affections ; toutes vos actions, il les fait. 

 

Prétendrez-vous, avec Descartes, que c'est une pure machine imitative ?

 

Mais les petits enfants se moqueront de vous, et les philosophes vous répliqueront que si c'est là une machine, vous en êtes une autre. 

 

Si vous avouez qu'entre l'animal et vous il n'y a de différence que dans l'organisation, vous montrerez du sens et de la raison, vous serez de bonne foi ; mais on en conclura contre vous qu'avec une matière inerte, disposée d'une certaine manière, imprégnée d'une autre matière inerte, de la chaleur et du mouvement, on obtient de la sensibilité, de la vie, de la mémoire, de la conscience, des passions, de la pensée. 

 

Il ne vous reste qu'un de ces deux partis à prendre ; c'est d'imaginer dans la masse inerte de l'œuf un élément caché qui en attendait le développement pour manifester sa présence, ou de supposer que cet élément imperceptible s'y est insinué à travers la coque dans un instant déterminé du développement. Mais qu'est-ce que cet élément ? Occupait-il de l'espace, ou n'en occupait-il point ?

 

Comment est-il venu, ou s'est-il échappé, sans se mouvoir ? Où était-il ? Que faisait-il là ou ailleurs ? A-t-il été créé à l'instant du besoin ? Existait-il ? Attendait-il un domicile ? Était-il homogène ou hétérogène à ce domicile ? Homogène, il était matériel ; hétérogène, on ne conçoit ni son inertie avant le développement, ni son énergie dans l'animal développé. 

 

Écoutez-vous, et vous aurez pitié de vous-même ; vous sentirez que, pour ne pas admettre une supposition simple qui explique tout, la sensibilité, propriété générale de la matière, ou produit de l'organisation, vous renoncez au sens commun, et vous précipitez dans un abîme de mystères, de contradictions et d'absurdités. »

 

Le matérialisme dialectique considère que la sensibilité est propriété générale de la matière, le produit de l'organisation de la matière.

 

Et nous sommes les premiers à avoir affirmé que la reconnaissance de cette sensibilité peut ou doit aller jusqu'à la reconnaissance de la matière vivante.

 

Aussi, nous considérons que si le véganisme est un choix subjectif qui ne peut pas être imposé dans le cadre de l'avant-garde, il est évident que la dénonciation du véganisme est inacceptable.

 

Aucun rejet du véganisme n'est possible dans le camp progressiste et démocratique, a fortiori de la part des révolutionnaires et des communistes.

 

Ce qui pose la question de la culture. Ce n'est pas pour rien que les communistes ont toujours considéré la culture comme étant quelque chose de central, que ce soit avec le réalisme socialiste en URSS ou la révolution culturelle en Chine.

 

Le socialisme ne consiste pas en la récupération du capitalisme pour socialiser l'économie et accepter ses mœurs.

 

Lutte Ouvrière a une vision syndicaliste typiquement française : le socialisme consisterait à nationaliser les centrales nucléaires, les boucheries, la vivisection et les autoroutes.

 

C'est là une vision profondément réductrice, relevant d'un esprit borné incapable de saisir la dignité du réel. Et c'est la preuve que Lutte Ouvrière n'a aucune ligne de masses.

 

Car il est impossible pour qui connaît les masses de se lancer dans une dénonciation du combat contre la souffrance animale… Lutet Ouvrière dénonce les petits-bourgeois, mais le fait en reflétant le point de vue conservateur de l'aristocratie ouvrière syndicalisée et des enseignants.

 

De notre côté, nous affirmons dans le cadre du matérialisme dialectique :

 

1. La compassion ne vient nullement de l'esprit, car l'Humanité ne pense pas, la pensée étant le reflet de la réalité ;

 

2. La compassion est l'expression de la nature sensible de la matière elle-même ;

 

3. Ce caractère sensible de la matière tient à sa nature dialectique même, tous les éléments matériels étant reliés les uns aux autres et interagissant entre eux.

 

La compassion ne relève pas du libre-arbitre, cette fiction bourgeoise, mais de la sensibilité de la matière pour elle-même, dans son processus éternel de développement qui consiste en ce qu'on appelle le communisme.

 

Il est au moins légitime de considérer le véganisme comme un aspect de ce développement, comme correspondant à un besoin de communisme exprimé par la matière vivante.

 

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