« Nous appelons à la constitution d’un contre-espace public et politique, partout en France, qui rende à son caractère dérisoire tout le spectacle décrépit de la politique. Nous appelons à faire en sorte qu’il n’y ait pas d’élection présidentielle, au sens où, quand bien même quelques irréductibles s’acharneraient à voter, elle sera un non-événement au regard de notre surgissement politique à nous. »
Des lecteurs nous on signalé cet appel enthousiaste à en finir avec le désastre des présidentielles.
Appel à en finir avec le cirque électoral
Bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis que le Parti Socialiste a renoncé à faire son université d’été à Nantes, en réponse à un simple appel à la saborder. Cela survenait au terme de quatre mois au cours desquels le mouvement contre la loi « Travaille ! » avait imposé, semaine après semaine, ses propres échéances, et ses propres termes du débat. Quatre mois durant lesquels toute tentative de masquer les enjeux politiques réels du présent en lançant, à coups de petites phrases ou de révélations insignifiantes, la « campagne présidentielle », fut renvoyée à son néant. Il a suffi de l’été, du gouffre des vacances et de quelques attentats pour permettre à tout ce beau monde de se remettre en selle. L’effet en fut immédiat : le débat public s’est instantanément vautré dans la débilité la plus crasse. À tel point que Marine Le Pen en est venue à jouer la modération et le Premier Ministre à philosopher sur le burkini. Il a suffi que nous ayons le dos tourné pour que les politiciens de tous bords positionnent leurs petites machines électorales et discursives, leurs pathétiques ambitions personnelles, leurs dadas idéologiques désespérés – chacun à sa place, chacun dans son angle, se visant les uns les autres et se tendant réciproquement des pièges où chacun commence par se prendre lui-même. Tout ce spectacle ne mériterait pas notre attention si tout cela n’avait des effets réels sur les rapports entre les êtres et sur notre santé mentale à tous - si tout cela ne créait pas une ambiance irrespirable. Une ambiance plus étouffante encore que celle qui régnait avant le mouvement contre la loi « Travaille ! ».
L’ensemble des « crises » à quoi se ramène, en tous domaines, une description honnête du présent, nous savons bien qu’aucun parti politique ni aucun politicien n’est en mesure d’y faire face. Simplement parce qu’ils tiennent la barre d’un navire qui ne répond plus, et que l’échelle nationale, à la fois trop vaste et trop limitée, est celle de l’impuissance. D’entre toutes, leur prétention à nous « protéger » dans un monde devenu si chaotique est sans doute la plus grotesque et la plus exorbitante. Tout ce spectacle de responsables irresponsables, d’experts ignorants, d’aspirants-chefs infantiles, les espoirs toujours déçus qu’ils s’attachent à rallumer périodiquement, toute la confusion qu’ils répandent, non seulement font partie du problème plutôt que de la solution, mais nous empêchent d’enfin inventer de nouvelles manières de faire. L’état du monde est tel que les guignols de la politique classique ne nous font plus rire. La pièce qu’ils jouent est obscène, et le rôle de spectateur de plus en plus intenable.
Tandis que Hollande se voit en « rempart de la démocratie » et que Cambadélis constate « aujourd’hui, il y a un rejet de tout le monde. Aussi bien de Sarkozy, de Hollande, de Juppé, de Mélenchon que de Marine Le Pen. La question de la présidentielle sera donc de savoir qui sera le moins rejeté au moment T », il nous semble urgent de nous organiser afin de rendre impossible campagne et élection présidentielles, exactement comme l’université d’été du PS à Nantes est devenue impossible. L’assemblée nantaise « À l’abordage » n’a pas même eu besoin de faire une menace, une grève ou une émeute pour qu’ils y renoncent. Il a suffi qu’elle se constitue en force localement, que toutes les composantes qui ont fait la vitalité du mouvement contre la loi « travaille ! » - syndicalistes affranchis, jeunes frappés de lucidité, retraités politiquement actifs, communistes désespérés de la politique, anarchistes rétifs à toute idéologie, associatifs que la gauche dégoûte, déserteurs de la société sécuritaire, salariés au bout du rouleau, universitaires hostiles à toute gestion, etc. - se réunissent en assemblée et commencent de s’organiser avec toutes sortes de gens d’ailleurs en France, pour que le parti au pouvoir préfère sagement se retirer. Nous ne nous faisons pas d’illusion sur l’opportunité qu’il y avait pour lui de ne pas étaler ses divisions internes : ces dernières ne sortent pas de nulle part, elles sont elles aussi l’effet indirect de la lutte que nous avons menée des mois durant.
Nous, membres anonymes du cortège de tête, appelons donc à constituer partout en France, dans la foulée du mouvement contre la loi « Travaille ! », des assemblées comme l’assemblée nantaise « À l’abordage » qui, à la fois, ne laissent pas de répit aux politiciens et s’organisent afin de se confronter aux problèmes réels du présent, aussi locaux que globaux fussent-ils. Nous appelons à la constitution d’un contre-espace public et politique, partout en France, qui rende à son caractère dérisoire tout le spectacle décrépit de la politique. Nous appelons à faire en sorte qu’il n’y ait pas d’élection présidentielle, au sens où, quand bien même quelques irréductibles s’acharneraient à voter, elle sera un non-événement au regard de notre surgissement politique à nous. Lançons-nous sans tarder : à l’évidence, certains veulent faire de la manifestation du 15 septembre l’enterrement de la lutte contre la loi « Travaille ! », faisons-en le début du sabordage du cirque électoral.
À l’abordage, donc, de la campagne présidentielle !